In The House Of Gods

I. Entrée en matière


Fabien se baladait tranquillement dans la rue, un croissant à la main (et aussi en partie dans sa bouche). Il faisait beau, il était en vacances, les rues de la ville étaient calmes : tout allait pour le mieux. Le jeune commençait à se dire que c’était le plus beau jour de sa vie généralement émaillée d’emmerdes. Et c’aurait effectivement pu être le cas si Florian ne s'était pointé.
Il le croisa alors qu’il rentrait chez lui. Son ami semblait en proie à une surexcitation proche de la démence associée à une prise massive d’hallucinogènes puissants. Et en effet, il tint un discours digne de celui d’un junkie juste avant l’overdose.

« Fabien ! Tu tombes bien ! Tu veux rencontrer Dieu ? »
- Heuuu…
- Non mais c’est même pas une question en fait ! Viens, je t’emmène rencontrer ton créateur !
- Heu , c’est possible ça ? Parce que Dieu…
- Ah mais pour des personnes normales c’est une autre histoire, ça fait plus de 2500 ans qu’ils se foutent sur la gueule à cause de ça…
- … Et nous, en quoi c’est différent ?
- Mais nous, abruti, on est des personnages de fiction ! Donc on a un créateur, et c’est facile de le retrouver, il faut juste chercher au bon endroit !
- Ah, si tu le dis…
- Allez, grimpe dans la bagnole, je t’emmène !

Quelques minutes, les deux hommes s’arrêtèrent devant un bâtiment à la façade couverte d’éclairages tapageurs.
- Florian… Tu te fous de moi ?
- Bah quoi ?
- Tu veux dire qu’on va rencontrer Dieu dans une boîte de strip-tease ?
- Ouais ! C’est là que se trouve l’entrée du Quartier général des Dieux ! Ce club de strip leur sert d’interface entre leur monde et le nôtre !
- Génial, on a été créés par des dieux pervers…
- Non non ! Ils le sont pas tous ! Enfin, si, ils le sont tous plus ou moins, mais bon, ça reste raisonnable… Encore qu’une fois, y’a eu une histoire avec des dragons et…
- Flo, je crois que je veux pas en savoir plus… On peut pas juste rentrer et aller les voir ?
- Les danseuses ?
- Nan, les Dieux, bordel de merde !
- Tu as raison ! Allons-y !

Les deux jeunes, après avoir subi le classique contrôle d’identité à l’entrée, pénétrèrent dans le club. A l’accueil, ils assistèrent à une scène des plus étranges...

Que vous découvrirez plus tard !

II. La Porte Orange


Les deux jeunes, après avoir subi le classique contrôle d’identité à l’entrée, pénétrèrent dans le club. A l’accueil, ils assistèrent à une scène des plus étranges...

Une jeune femme extrêmement peu vêtue, qui tenait une discussion animée avec la personne de l’accueil, s’interrompit en apercevant Florian. Elle poussa un cri suraigu et se jeta dans ses bras en hurlant :

- Levyyyyyyyyyyyyyyyyyyyy !!
- Aaaargh ! Heu, salut … Tu veux bien me laisser respirer ?
- J’en reviens pas ! Je croyais que tu avais disparu !
- Un petit incident létal avec Darkars et Dragonnoir… Mais au lieu de mourir, je suis devenu un personnage !
- Ça alors ! Je ne savais pas que c’était possible !
- Moi non plus ! C’est peut-être dû au fait que…

Fabien, excédé de ne rien comprendre, les interrompit :

- Bon, c’est fini un peu vos discussions bizarres ? Je ne comprends rien ! Et d’abord, c’est qui celle-là ? Et pourquoi elle t’appelle Levy ?
- Ah pardon ! Fabien, je te présente Vicky, Déesse de son état ! Elle est la Gardienne, celle qui surveille le passage entre notre monde et le sien !
- Ah… Eh ben, enchanté alors !
- Enchantée aussi ! C’est génial de rencontrer les amis de Levy !
- Ah, mais bon dieu, POURQUOI elle t’appelle Levy ?

Ce dernier n’eut pas le temps de répondre car Vicky les prit par la main et les entraîna à l’intérieur du club.

- Il faut absolument annoncer aux autres que tu es revenu, Levy !
- Quoi ? Mais absolument pas, t’es malade ? Ne leur dis pas que je suis Levy !
- Bah pourquoi ? Je vois pas le problème !
- Je te rappelle que je me suis fait enterrer vivant la dernière fois…
- Euh… Je vois toujours pas le problème !
- Décidément, t’as pas volé ta réputation… Écoute, juste pour me faire plaisir, tu veux bien éviter de dire aux autres que je suis Levy, et m’appeler Florian tant que nous serons là-bas ?
- Bon, si c’est pour te faire plaisir, c’est d’accord !
- Merci ! Maintenant, tu peux nous ouvrir la Porte ?
- Pas de souci ! On y va !

Vicky marcha d’un pas décidé à travers les différentes salles du strip club. Florian lui emboîta le pas, tandis que Fabien, fasciné par les « merveilles » de l’établissement, était à la traîne. Après quelques minutes de marche, trois escaliers descendus et deux baffes collées par Florian à Fabien parce qu’il traînait, le groupe arriva dans une petite pièce sombre du sous-sol avec une porte orange. Une porte en bois tout à fait banale, mise à part sa couleur.

- Et voilà ! La Porte !

Fabien était plutôt étonné :

- Quoi, c’est ça le passage vers le monde des Dieux ? Je m’attendais à un truc un peu plus classe !
- On a eu des réductions budgétaires, et c’est la seule porte que l’on pouvait se payer…
- Eh ben, ça promet…
- Bref, entrons sans plus attendre ! Je vais procéder au rituel !
- Le rituel ? Quel rituel ?
- La porte ne s’ouvre que lorsqu’un son particulier est produit ! Ecoutez plutôt !
Vicky appuya sur un bouton et…

NYANYANYANYANYANYANYANYANYANYANYANYANYANYANYANYANYAN

… La petite pièce fut vite emplie d’une étrange musique ! Et la porte s’ouvrit, aussitôt franchie par nos trois compères…

… Qui atterrirent dans une magnifique ville souterraine, digne des plus belles cités naines !
Fabien était émerveillé par tant de beauté, tandis que Vicky et Florian étaient dans un milieu qui leur était familier.

« Bienvenue à Lacébé ! » dit Vicky.
- Lacébé ? Cette ville s’appelle… Lacébé ? répondit Fabien.
- C’est exact ! Depuis des temps immémoriaux, les dieux ont l’habitude de quitter régulièrement leurs domaines respectifs pour se retrouver sur Lacébé !
- Mais… Mais c’est un nom de merde !
- Non, c’est joli je trouve ! Et puis, de toute façon c’est pas moi qui ai choisi…

Sur ce, le petit groupe fut rapidement rejoint par une étrange créature verte à épines qui leur tint à peu près ce langage :

« Hin ? Des nouveaux ? »
- Ouiiiiii ! répondit Vicky. Je les ai, euh, invités…
- Ah, ils sont avec toi ! Très bien ! Je me présente, Darkars, Dieu de premier rang et Second Intendant de Lacébé ! Puisque c’est votre première fois sur Lacébé, je vous fais visiter ?
Et c’est ainsi que le groupe se lança dans une visite de Lacébé…

III. Tourisme historique


L’épineux guide touristique se racla la gorge avant de lancer au groupe :

« Avant de débuter la visite, je vais vous expliquer comment Lacébé a été créée, il y a de cela plusieurs millénaires ! »
- Encore un cours d’histoire bien chiant… soupira Fabien.
- Bref ! Comme je disais, la création de Lacébé remonte à plusieurs millénaires…

Au début, il y avait Balthy le Grand, notre Empereur Suprême et Grandiloquent. Puis autour de sa magnificente personne apparurent les Premiers Dieux, les Fondateurs, ou Dieux de Premier Rang comme on les appelle parfois. Dragonnoir le Vicieux, Crimson la Yaoiste, Darkars le Comique (votre serviteur) et Vicky la Blonde.

- Mais… Elle n’est pas blonde !
- Je ne parle pas de la couleur de cheveux, si tu vois ce que je veux dire…
- Oui, je vois tout à fait, j'en ai fait l'expérience…
- Bref ! Je reprends !

Les Cinq Grands Dieux étaient réunis. Ils restèrent ensemble quelque temps et ils réalisèrent bien vite que leurs pouvoirs ne se limitaient pas à raconter des conneries. Ils étaient dotés d’un formidable pouvoir de création.
Ainsi, ils créèrent chacun un monde à leur image, un Domaine qui leur était propre. Mais les Dieux ont des goûts différents et n’ont pas tous autant d’imagination : aussi, un Dieu était rarement satisfait du domaine des autres. D’un commun accord, ils décidèrent de joindre leurs forces pour créer un lieu de vie dont tout le monde serait satisfait : Lacébé.
Attirés par ce nouveau centre de communication divin, de nouveaux Dieux se joignirent aux cinq Dieux Originels et contribuèrent à faire de Lacébé la ville qu’elle est aujourd’hui.
Ces Dieux sont les Dieux de Second et Troisième Rang, aussi appelés les Bienfaiteurs et les Nouveaux Venus. Les Bienfaiteurs, Dieux ayant participé au rayonnement de Lacébé de manière significative, sont Kadaj la Savante Folle, Yuffie la Sanglante et Akira la Démente Pourvoyeuse de Fruits.

- Eh ben, ça donne envie de les voir, une présentation comme ça…
- Mais tu vas me laisser finir oui !

Les Nouveaux venus sont de simples habitants divins de Lacébé, mais certains sont assez connus comme Angie la Rouge, Sylverthorn le Vénal, Shidden l’Esclave ou Ephrallion l’Alcoolique Basse Définition.

- Décidément, ça tue ces pseudos !
- C’est toi qui va te faire tuer si tu m’interromps une fois de plus !
- Désolé ! Continue !

…

- ... Bah, en fait, j’ai fini ! Suivez-moi, on va commencer la visite de la ville ! Nous allons commencer par le bâtiment le plus important, et surtout le plus proche ! Parce que c’est bien gentil de raconter des trucs aux touristes, mais j’aimerais bien me poser deux minutes et boire un coup !

Le groupe emprunta donc l’avenue Balthy le Magnifique afin de se rendre au Grand Palais de l’Hégémonie Divine (c’est du moins le nom qui était inscrit sur le panneau indicateur).

IV. Sortie sans achat


Le Grand Palais de l’Hégémonie Divine portait bien son nom. Il s’agissait d’un gigantesque temple d’architecture grecque auquel on accédait en traversant un très long pont suspendu au-dessus de la lave. A l’entrée du palais se trouvaient deux immenses statues d’un beau et séduisant jeune homme. Les deux touristes étaient fascinés ; Vicky n’était pas plus excitée que d’habitude, c’est à dire qu’elle sautait partout de joie. Darkars informa les visiteurs que l’adonis ainsi représenté était bien entendu Balthy le Magnifique, Père de toute Chose, Seigneur Suprêmement Indiscutable de Lacébé et des Domaines Divins de la région Europe occidentale.

- Nous allons maintenant visiter le palais ! Appareils photos, caméscopes et hochets pour bébé sont interdits dans l’enceinte du bâtiment ! annonça le guide pampa.
- Heu… Pourquoi les hochets pour bébé ? demanda Darkars.
- Il se trouve que notre Sublimissime Seigneurie ne supporte pas tout ce qui se rapporte de près ou de loin aux enfants ! En revanche, il adore les chatons ! Vous pouvez d’ailleurs acheter un chaton-offrande à la boutique souvenir du palais pour l’offrir à Balthy ! Je vous y encourage !
- Ah, bah ça peut être une bonne façon de bien se faire voir de notre dieu…
- Comment, Balthy est votre Dieu ? Vous en êtes certain ? Il a relativement peu de Créations à son actif, ce serait donc assez étonnant…
- Bah, en fait… On sait pas trop…
- Mais bon, on s’en fout un peu hein ! C’est pas important ! s’empressa de rajouter Levy.
- Vous voulez rire ? Tout le monde veut connaître son Dieu ! En plus, ça ne prend qu’une petite minute !
- Génial ! hurla Fabien. Je veux connaître mon Dieu ! Comment on fait ?
- C’est très simple, il suffit de sauter dans le lac de lave !
- De quoiiiiiiiiii ? Mais j’veux pas mourir !
- Haha, je plaisantais ! répondit le guide facétieux, tout en sortant un sac de bonbons estampillé « Fabrication artisanale – P.Dobaire ». En fait, il suffit de manger un de ces bonbons –c’est sans danger ! – et une marque apparaîtra quelque part sur votre peau ! Cette marque sera le symbole de votre Dieu !
- Cool ! File-moi un bonbon !

Fabien avala le bonbon que lui tendit Darkars. Après une minute d’intenses douleurs anales doublées d’hallucinations peuplées d’ours étranges (que le guide touristique n’avait pas mentionnées), il observa ses bras, ses jambes, sa poitrine… Aucune marque.

- Hé, ça marche pas ta camelote !
- C’est parce que tu n’as pas tout regardé, imbécile ! Déshabille-toi !
- Hein ??! Mais pas question !
- Déshabille-toi ou je déchire tes fringues à coups de 1000 épines !

Sous la menace, Fabien retira ses vêtements. Vicky se retourna de dégoût. Après observation, Florian et Darkars remarquèrent une sorte de tatouage étrange sur la fesse gauche de Fabien.

- C’est…une goutte d’eau ? demanda Florian.
- Ça alors ! Vous portez la très rare Marque de Balthy ! C’est bel et bien notre Juste et Bon Seigneur de la Majesté Divine qui vous a créé !
- Trop fort ! J’ai gagné un truc ?
- Oui…
- Yeaaaaaaaaaaaaaaah !
- …Tout notre respect !
- Hein ? C’est tout ? J’ai pas droit à un peu d’or ?
- Vous pouvez toujours demander un prêt à votre Créateur…
- Ah putain, la haine ! Je vais lui expliquer ma façon de penser à ce Balthy ! Bon, on le visite ce palais ?
- Vous ne vouliez pas vous arrêter à la boutique souvenir d’abord ?
- Ouais ouais, on va y passer… Mais bon sang, pourquoi vous insistez autant avec cette boutique ? Vous êtes payés pour faire sa pub ou quoi ?
- Pas du tout… J’en suis le gérant ! Et puisque je vous aime bien et que vous êtes nouveaux sur Lacébé, je vous offre un porte-clés Vicky pour 1250 gils d’achat !
- Bof…
- Hmm… J’ai précisé que Vicky était nue sur ce porte-clés ?
- YEAAAAAAAAAAAAAH !


La boutique de souvenirs du palais était pleine de produits dérivés à l’effigie des grandes figures de Lacébé : une figurine de Vicky dans une pose suggestive, des t-shirts " Poulets, source de vie " signés Kadaj Corporation, une statuette de Yuffie avec les yeux qui s’allument, une poupée vaudou à l’effigie de Darkars (phosphorescente, pour les tortures nocturnes), une tasse à café Yuffie (avec la mention " Un bon café vaut tous les lance-roquettes du monde "), une série de yaoi signée Crimson & Akira, un poulailler en Lego, des fusils en plastique, des pin’s parlants (modèle Dragonnoir : " THIS IS MY STORE ! " ; modèle Aki : " Je vends des pooommes ! " ; modèle Vicky : " NYANYANYANYAN "), un Monopoly version Lacébé, une boîte à meuh qui fait « Yaoiiiiiiii ! », des écharpes « Fédération Lacébéenne de Darkyball » et les maillots qui vont avec, des cendres du volcan de Lacébé dans un petit pot en verre, des poulets rôtis (sur place ou à emporter), des boules à neige représentant le Palais, des bottes de kick Balthy (« les bottes Balthy, jamais kicker n’aura été aussi facile»), des peluches Nyan Cat, des statues de Balthy grandeur nature, des punching-balls à l’effigie de Darkars…

- C’est trop énorme ! s’exclama Fabien. Je vous prends un t-shirt poulet, deux figurines de Vicky, une de Yuffie, un Monopoly, une paire de bottes de kick taille 42 et un pin’s parlant de chaque sorte !
- Parfait ! Ça vous fera… 3200 gils !
- Euh… Ça fait combien en euros ?

Le commerçant n’eut pas le temps de répondre car une violente clameur s’éleva du palais, accompagnés de bruits de vases jetés à terre et de verre brisé.

Les cheveux hirsutes, le regard foudroyant, une dizaine de valises dans les mains et un chaton sur l’épaule, l’impératrice Crimson quittait la salle du trône sous les yeux ébahis du groupe.

V. An Emperor's Game


L’impératrice, vêtue d’une ravissante robe noire et rouge et d’une tiare de très belle facture, traînait ses valises sur les escaliers du palais en faisant un boucan de tous les diables. Le chaton miaulait désespérément, vraisemblablement pour réclamer à manger.
Le groupe n’eut pas le temps de s’habituer à cette étrange scène (et à cette étrange personne) que déjà, un autre individu faisait son apparition en haut de l’escalier.

L’homme en question était grand, élancé et vêtu d’un vieux t-shirt et d’un jean. On aurait pu le prendre pour une personne lambda, mais la couronne en or sertie de joyaux et frappée de la Marque ne trompait pas : il s’agissait bien du Grandiose Balthy, Seigneur Incontestable de Lacébé et Grand Maître de l’Ordre des Imaginariuministes du Cercle d’Argent Avec Un Peu d’Orange Pour Le Contraste. Il avait une espèce de téléphone portable dans la main. Il le lança de toutes ses forces dans la tête de l’impératrice en criant :

- Et n’oublie pas le PHS de ta Xena, la yaoiste pas foutue de dessiner un mec sans le foutre à poil !

Un serviteur apporta un paquet (vide) de tartines à la framboise à l’empereur, qui lui fit suivre la même trajectoire qu’au PHS.

- Et le panier de ta saloperie de bestiole qui chie des arcs-en-ciel aussi !
- Mon Nyan Cat il t’emmerde, le mégalo pas foutu de finir ce qu’il commence ! Et je ne parle pas que de tes Créations !

L’empereur jeta un vase sur Crimson, mais cette fois, ce n’était pas pour qu’elle le récupère.

- C’est ça, dégage la mélangeuse d’hommes ! Ce palais est trop petit pour nous deux ! Va retrouver tes bouffeurs de salade dans ton domaine minable !

Balthy jeta un dernier vase sur Crimson pour la beauté du geste, avant de retourner dans son palais en râlant.

Le groupe était quelque peu abasourdi par ce qui venait de se passer. Personne n’osa bouger tandis que Crimson descendait les marches du palais. Ce n’est que lorsqu’elle arriva à hauteur de notre groupe que Darkars osa s’avancer vers elle.

- Heu… Crimson... Il y a un problème ? Balthy a refusé d’apparaître dans un de tes yaoi, c’est ça ?
- Tu te crois drôle, abruti ?
- Désolé, c’est les lecteurs qui se sont plaints que j’étais trop sérieux…
- Toujours la bonne excuse… Et ces têtes de cons derrière toi, c’est qui ?
- Euh, moi c’est Fabien ! Euh… Enchanté !
- Bonjour… Je suis Florian… dit Florian/Levy en baissant la tête pour éviter qu’on le reconnaisse.
- Moi c’est Vicky ! Coucou !
- Vicky, bon sang, tu es devenu aussi conne que Balthy ou quoi ? On se connaît depuis des siècles ! TU N’AS PAS BESOIN DE TE PRESENTER NOM D’UN NYAN CAT !

…

Et arrête de pleurer, ça me gonfle !

Darkars tenta de reprendre le contrôle de la situation.

- Euh, Crimi, on peut savoir ce qui…
- DARKARS, NE M’APPELLE PAS CRIMI ! CA M'ENERVE !
- Désolé… Euh… On peut savoir ce qui s’est passé avec Balthy ?
- Tu n’as qu’à demander à ton cher cousin si tu tiens tant que ça à te mêler de ce qui te ne regarde pas ! Je suis certaine que ce crétin prétentieux sera ravi de déverser sa rage sur moi ! Bon, sur ce, si vous n’avez rien de passionnant à raconter, je rentre chez moi ! Ah, Darky, je te prends un buste de Balthy pour le défoncer à coups de batte de base-ball une fois rentrée…
- Fais comme tu veux…
- C’est ça ! Allez, salut les débiles !

L’impératrice s’éloigna à un rythme impressionnant au vu de tout le bazar qu’elle se traînait. Son chaton laissa une formidable traînée multicolore sur les escaliers d’entrée du Palais.

- Eh ben, elle a pas l’air commode l’impératrice… commenta Fabien.
- Je crois que le terme « ex-impératrice » est plus approprié maintenant… corrigea Darkars.

Vicky pleurait toujours, une peluche poulet dans les bras.

- Pleure pas Vicky, je suis là... Bon, et maintenant, si on allait rendre visite à Balthy… Votre cousin, si j’ai bien compris ? demanda Florian.
- Ouais, c’est mon cous’ ! Mais attention, on a beau être de la même famille, on n’a presque rien en commun !
- Heureusement pour lui… murmura Fabien.
- De quoi ?
- Je disais, c’est joli ici !
- Ouais, c’est Balthy et moi qui avons fait la déco, ça vous plaît ?
- J’aime bien les têtes d’extraterrestres empaillées… C’est quoi ?
- Des protoss ! C’est moi qui les ai chassés !
- Ah… Génial…

Au fil de la discussion, le groupe avait monté les marches et se trouvait maintenant dans la salle du trône. Le trône en question servait en réalité de siège de bureau ; sur ledit bureau, on trouvait une quantité inimaginable de feuilles de papier vierges, griffonées, couvertes de dessins, de cartes ou de symboles incompréhensibles. On y trouvait aussi un ordinateur, une bouteille d’eau, des Kinder Bueno, une manette de Xbox et un chat endormi.
La salle était incroyablement grande et servait en fait de musée. De nombreux objets de la collection personnelle de Balthy était exposés, et le groupe fasciné s’empressa d’y jeter un coup d’œil.

- Incroyable ! Le trône de Zaléra fabriqué par les pampas !
- La tenue de Céline de « On a échangé... » !
- Le drap qui a servi à recouvrir Tidus dans Chaos rock !
- Le corps du squelette serviteur de Shiva ! Enfin, ce qu’il en reste…
- La guitare de Buddy !
- La Keyblade de Balthy dans « Enfants du destin » !
- La voiture de Jack Easley ! On voit bien l’impact du slasher !
- Le vélo de Maria !
- La vache ! Venez voir ! Y’a tous les instruments des Turks exposés ! Y’a même le fourgon ! s’écria Fabien.
- Par contre, il manque la basse… Elle est où ?
- Je la garde à part, dans mes appartements… dit une voix derrière eux.

C’était Balthy, qui essayait de se donner un genre « voix mystérieuse ». Ce fut un énorme fail, car tout le monde avait reconnu sa voix. Darkars s’empressa de faire les présentations :

- Les jeunes, prosternez-vous ! Voici mon cous’, Balthy le Magnifique, Père de toute Chose, Seigneur Suprêmement Indiscutable de Lacébé et des Domaines Divins de la région Europe occidentale, Illuminateur du Chemin Sacré de l’Oie Sauvage, Grand Gourou Spatiotemporel de l’Apocalypse, Régulateur de la Puissance Ancestrale…

*10 minutes plus tard*

- … Manipulateur Assermenté du Transformateur à Mako, Sanctificateur de l’Ordre du Poulet de Bronze et Expurgateur Intérimaire de la Grande Galaxie de Catadonia !
- … Darky, tu as oublié « Titulaire du baccalauréat S avec mention Assez Bien » et « Heureux possesseur d’un exemplaire collector de Dissidia 012 » …
- Ah oui, désolé ! Je recommence !
- NON ! s’écrièrent Fabien, Florian et Vicky en chœur.
- Haha ! Je plaisantais ! répondit Darkars en riant. Cous’, je te présente Fabien et Florian !
- Et moi, c’est Vicky !
- Oui, Vicky… On sait qui tu es… Au fait Balthy, on a appris récemment que Fabien était une de tes Créations ! Ça faisait longtemps que tu n’avais pas créé !
- En effet, répondit Balthy. Il se trouve que Balthy a amené ce jeune homme ici dans un but bien précis…
- Je rêve ou il parle de lui à la 3ème personne ? murmura Fabien.
- On dirait que Crimson avait raison pour le côté mégalo… répondit Florian.
- Oui, Balthy vous a amenés ici dans un but bien précis, jeunes gens… poursuivit l’empereur. Même toi, Florian ! Ou devrais-je plutôt dire…

Florian/Levy transpirait à grosses gouttes et serrait les dents, les poings, et tout ce qu’il pouvait serrer d’autre (ce qui excluait donc Vicky). Si son identité était révélée, il pouvait s'attendre aux pires supplices. On pourrait le jeter dans la tanière de Timmy...

- Ou plutôt devrais-je dire… L’heureux participant au Jeu des Coffres !
- Hein ?

Dans la salle du trône, une vingtaine de personnes sorties de nulle part applaudirent. Les personnes en question avaient toutes un coffre en bois devant elles.

- C’est quoi ce bordel ? demanda Florian.
- Ce n’est pas un bordel, malgré la présence de nombreuses jeunes filles très attirantes… C’est le Jeu des Coffres ! Face à vous mon cher Florian, 22 personnes représentant chacune un quartier de Lacébé ou un Domaine Divin ! Dans leurs coffres se trouvent des objets de valeur… mais aussi des trucs totalement pourris ! Le gros lot d’aujourd’hui est un coffre rempli de diamants !
- Trop fort ! s’exclama Fabien.
- La règle du jeu est simple, parmi ces 22 coffres, vous devez en choisir un au hasard ! Vous remporterez le lot contenu dans ce coffre !
- Heu… Je dois pas normalement éliminer des coffres au fur et à mesure, puis recevoir des appels du banquier de temps à autre pour négocier ?
- Non, vous confondez avec un autre jeu là…
- Ah, au temps pour moi ! Bon, ben je choisis… Celui-ci ! dit Florian en pointant un coffre derrière lequel se tenait une charmante elfette très peu vêtue. La demoiselle ouvrit le coffre…

***Florian reçoit une Pokéball !***

- Félicitations Florian ! Vous avez remporté une Pokéball ! C’est l’un des lots les plus minables offerts dans notre jeu ! Merci d’avoir participé !

Les 22 personnes et leurs coffres disparurent en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « Pikachu ». Seul, au milieu de la salle du trône, Florian regardait la Pokéball qu’il venait de gagner et qu’il tenait dans ses mains.
Fabien hurlait de rage.

- Et meeeerde ! Les diamants ! Les diamaaaaaaaaaants ! Raaaaaaah ! Je veux être riche ! Riiiiiiiche !
- Calme-toi, c’est qu’un jeu… répondit Darkars.
- Rien à foutre ! Hé, toi là, mon Dieu de mes deux ! Je veux mes diamants !

Fabien se dirigeait vers son Dieu avec la ferme intention de lui coller un pain. Il n’en eut pas l’occasion car, à l’extérieur du palais, un grand fracas assourdissant se fit entendre. Tous se ruèrent vers la source du bruit.

VI. Another Prick In The Wall


Le groupe fut relativement surpris en découvrant, à quelques centaines de mètres du palais, un gigantesque mur en partie fracassé. Le mur en question portait d'innombrables traces de chocs violents. Il s'avéra aussi que dans ce mur était encastré le grand dragon noir responsable de tout ce boucan.

- Ah putain Drag', t'es obligé de faire autant de bruit ? On t'a entendu depuis le palais ! s'écria Balthy, visiblement en colère.
- Désolé ! Je voulais tester ce que ça faisait si on renforçait le mur avec des plaques d'acier ! répondit le dragon de sa voix caverneuse.
- Et ça fait quoi ? s'enquit Vicky, toujours curieuse.
- Eh bah ça fait encore plus mal ! C'est génial ! Wouhouuuu !
- Euh... C'est moi ou il est con ? demanda Fabien.

Le dragon remarqua cette voix qui ne connaissait pas et s'empressa de s'introduire… auprès des nouveaux venus :

- Tiens ? Des enfants ! Super ! Cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas eu de visites de petits jeunes...
- Hein ? J'ai 17 ans, connard ! répondit Fabien, visiblement vexé.
- Ooooh... Trop vieux...
- Pardonnez Dragonnoir, il est un petit peu instable... dit Darkars pour rassurer le jeune homme.
- Instable ? Vous voulez dire qu'il tient pas debout ? Mais je croyais que l'alcoolique c'était un autre mec ?
- Abruti ! Je veux dire mentalement ! Dragonnoir est schizophrène !
- Aaaaah !
- Dérangé !
- Oooooh !
- Débile !
- Aaaaah !
- Totalement barré !
- Ooooh !
- Et surtout, beaucoup plus productif que...

Darkars ne put terminer sa phrase car son empereur de cousin lui balança une grosse mandale.

- Ta gueule Darkars ! Il est interdit de parler de ça, et d'autant plus à des étrangers !

Dragonnoir, d'un mouvement de son long cou reptilien, descendit la tête au niveau de celles des deux cousins pour intervenir dans la discussion :
- Pourtant Balthy, il faut bien reconnaître que tu es moins...

Furieux, l'empereur colla un grand coup de pied au dragon... ce qui eut pour effet de l'envoyer voler à des kilomètres ! Le dragon fila ainsi dans l'espace aérien de Lacébé en criant : « Le dragon noir s'envole vers d'autres cieuuuuuuuuuuuuux ! ». Heureusement pour lui, malgré le fait que Lacébé soit une cité souterraine, le plafond est suffisamment haut pour qu’il ne se cogne pas la tête. Tant mieux, il serait devenu encore plus fou.

Darkars reprit aussitôt son ton de guide touristique chiant :

- Mesdames et messieurs, vous venez d'assister en direct à l'action qui a fait la renommée des Dieux de premier rang sur Lacébé, en faisant des entités terriblement craintes, plus encore que la foudre, les coupures d’Internet et les fourmis rouges : un /kick !
- N'empêche qu'il me doit un coffre de diamants, Balthy ! répliqua Fabien.
- La légende du Grand Kick Céleste raconte que Balthy, alors en pèlerinage au Tibet afin de recevoir l'enseignement de maître Fu Tong, rencontra un panda mauve qui...

Le pampa ne put finir sa phrase car une femme visiblement dérangée et à l'accent bizarre, vêtue d'une blouse blanche, débarqua en hurlant des phrases peu compréhensibles :

- Sacrament Balthy! Qu'est-ce que t'as faite avec Drag'? C'était mon sujet d'expérience ! Je le laisse cinq minutes dehors pour qu'il fasse une pause dans son boulot, pis quand il commence à s'amuser, tu l'criss à l'autre bout de la ville à coups de pied? J'te préviens l'boss, ça va barder!
- Euh... Ça lui arrive de parler français ? demanda tout bas Fabien à Vicky.
- Oui, des fois...
- C'est déjà pas facile de travailler dans c't'ostie bunker, si y faut qu'en plus tu mettes la marde avec mes sujets d'expérience ! Si tu continues à m'empêcher de travailler, c'est toi qui va remplacer Drag' !
- Dis donc, un peu de respect quand tu parles à ton patron !
- En parlant de respect, tu comptes me les filer quand mes diamants ? intervint Fabien.
- T'es pas mon vrai boss ! J'te rappelle que j'suis ici pour d'un échange international afin de représenter les Domaines Divins de la région Amérique du Nord ! Alors c'est toi qui devrait me montrer plus de respect, à moi et à mes dragons de laboratoire !
- On t'a pas appris la politesse en Amérique ? Tu pourrais saluer nos invités !
- Hein ? Des invités ?

La scientifique essuya ses lunettes pleines de sang séché afin de mieux voir le groupe.

- Ah ouais, y'a des nouvelles têtes! Salut, vous deux ! Je m'appelle Kadaj, dite la Savante folle !
- On l'avait deviné... chuchota Fabien.
- J'suis l'ambassadrice des Domaines Divins de la région Amérique du Nord, mais surtout la responsable scientifique de Lacébé !
- Tiens, je pensais pas que les dieux avaient besoin d'une scientifique !
- En réalité, je suis une Déesse spécialisée ! Mon domaine d'Imagination principal est la création d'espèces animales improbables, d'instruments de torture et d'armes de destruction massive !

Un silence gêné (et un peu morbide) s'installa. Vicky commença à sangloter tout en gémissant quelque chose à propos de petits lapins morts. Kadaj s'empressa de regagner la sympathie de l'assistance :

- Toutefois, la mort et la souffrance ne sont pas mes seuls outils ! Je suis aussi responsable du garde-manger de Lacébé !
- Ah, manger ! Déjà, ça me plaît beaucoup plus ! s'exclama Fabien, visiblement réjoui. C'est quoi que vous élevez ?
- Des poulets ! Encore des poulets, toujours des poulets ! J'aime les poulets ! Les poulets sont la forme de vie la plus ravissante de toute la création ! Les poulets sont source de vie et de splendeur ! Les poulets...
- Euh, stop Kadaj ! intervint Balthy. Si tu continues à délirer sur les poulets, je te kicke ! Fais nous plutôt visiter tes installations !
- S'correct, s'correct... Suivez-moi !

Le groupe suivit la scientifique jusqu'à un vieux bunker à l'air défraîchi. Elle expliqua que ce bunker n’était pas vraiment le sien, et qu’elle y vivait en colocation avec une autre Déesse. Fabien commença à vraiment s’inquiéter à l’idée que quelqu’un soit suffisamment fou pour partager un bunker avec Kadaj.

Ils entrèrent dans le bunker et empruntèrent un ascenseur qui les amena au plus profond des entrailles de Lacébé, là où se cachent ses plus noirs secrets et ses plus terribles artefacts, ainsi que deux ou trois poulets sauvages et un chat. Kadaj ouvrit une grande porte en fer, révélant un immense laboratoire aux murs blancs. Çà et là, on trouvait des cadavres plus ou moins frais, des piles de matériel électronique et informatique, des armes plus ou moins conventionnelles, et surtout beaucoup de notes manuscrites sur les bureaux. La grande table d’opération située au centre, d’une propreté presque malsaine, était éclairée par un puissant néon. Les tables alentour étaient recouvertes d’outils divers : scie à os, scalpels, ciseaux, chalumeau, hache, marteau-piqueur… Il était facile de comprendre que rares étaient les êtres à s’y installer de leur plein gré.

- Et voici mon superbe labo ! s’exclama fièrement Kadaj. Financé à 50% par le gouvernement canadien…
- Et à 50% par moi ! dit Balthy avec une pointe d’amertume. Et on peut pas vraiment dire que l’investissement a rapporté jusqu’à présent…

Fabien ne partageait pas non plus l’enthousiasme de Kadaj.

- C’est… très beau… Beau boulot sur l’ambiance… Les taches de sang sur les murs, tout ça…
- Ah non, ça, c'est pas moi ! C’est ma colocataire qui a fait ça et qui a pas lavé…
- D’ailleurs, sans vouloir être indiscret… c’est qui votre colocataire ?

Kadaj n’eut pas le temps de répondre, la grande tradition de ce récit voulant que chaque fin de chapitre soit constituée d’une discussion interrompue par un évènement soudain. Dans notre cas, l’événement en question est une incroyable explosion venant de la surface qui, étrangement, ne surprit pas les Dieux du groupe. Kadaj ajouta même :

- Eh bien, on dirait justement qu’elle arrive !

VII. There's a Ghost in My House


Fabien n'eut pas le temps de se remettre de ses émotions que déjà, une grande malade en treillis faisait son apparition. Le treillis en question était d'ailleurs savamment dissimulé derrière une tonne de grenades, ceintures de munitions, couteaux de combats et autres machins du genre. L'être militaire de sexe jusque là indéterminé retira son casque et ses lunettes de soleil, laissant apparaître des cheveux longs (pas très réglementaire tout ça...) et un visage définitivement féminin.

- Hem... Yuffie, je présume ? demanda Fabien avec hésitation. On m'a parlé de vous... En bien, hein !
- Hein ? C'est qui cette chiffe molle ? Un de mes nouveaux mannequins d'entraînement ? Bon Dieu Kadaj, je t'avais dit de les faire musclés !
- Heu Yuffie, pas du tout, c'est une de mes créations ! ajouta Balthy visiblement agacé de voir son œuvre ainsi insultée.
- Ah, c'est donc pour ça que c'est une lopette... Et sinon, qu'est ce que vous foutez tous là ?
- Bah, on fait visiter Lacébé à Fabien et Florian...
- Qui ça ?
- Bah Fabien, ma création et Florian, son am... Merde !

Balthy venait de se rendre compte que Florian manquait à l'appel. Il n'était nulle part.

- Nom de moi, qu'est ce que vous avez foutu de l'autre mec ?
- Euh....
- Bah...
- J'avais même pas vu qu'il était parti...
- C'est vrai que ça fait bien 3 chapitres qu'on l'a pas entendu !

Bref, aucun membre du groupe ne sut répondre. Vicky sanglotait et Yuffie marmonnait quelque chose à propos de tafioles qui pourraient mener une battue au lieu de rester là à glander.
Kadaj, de son côté, cherchait quelque chose dans des piles de... trucs. C'est malheureusement la description la plus précise que nous pouvons faire, tant le labo de Kadaj est en bordel. Après quelques secondes, elle sortit triomphalement de sous une pile de vieux papiers, une babiole en plastique avec un écran. En apparence, ce pouvait être un lecteur MP3, une console de jeux expérimentale, un appareil à rayons X... mais la savante folle expliqua bien vite la nature de l'engin :
- C'est un détecteur thermique fait maison ! Il permet de repérer où se trouve n'importe quelle forme de vie dans un rayon de 15 kilomètres !
- C'est largement suffisant pour couvrir la surface de Lacébé... précisa Balthy.
- Espérons qu'il n'est pas parti dans les Domaines... Parce que là, on aura aucun moyen de savoir où il est parti !
- Bon, mets ton bordel en route, qu'on en finisse ! s'énerva Dragonnoir.
- S'correct...

Kadaj appuya sur un bouton et une carte de Lacébé apparut à l'écran du détecteur. La carte était centrée sur le bunker, reconnaissable à sa forme. Au milieu de cette forme, un point rouge et six points dorés clignotaient. Kadaj expliqua que les points dorés désignaient une forme de vie divine, tandis que les rouges désignaient un mortel. Elle utilisa ensuite les petites flèches directionnelles de l'appareil pour déplacer la vue. L'écran affichait maintenant une sorte de ferme.

- Bon, apparemment, tout est calme au niveau des garde-mangers... Il n'a pas volé mes poulets, c'est déjà ça ! Rien à signaler non plus sur la place du Floude... C'est même étrangement calme...
- Regarde au niveau du quartier commerçant ! suggéra Darkars, inquiet que le fugitif s'en prenne à un de ses magasins.
- Rien à signaler dans le quartier comm... Ah si ! J'ai un point doré dans la taverne du Voyageur !
- Laisse tomber, ça c'est Ephrallion qui décuve... Regarde plutôt au niveau des bâtiments administratifs ! Ça c'est important !
- Je regarde... En effet ! Il y a un point doré dans le palais !
- WHAAAAAAAAAT THE PHOQUE ???? hurla Balthy, visiblement surpris et excédé.
- Le palais de l'Empereur n'est pas censé être désert ? demanda Vicky.
- Bien sûr qu'il est censé être désert ! Qu'est ce qu'un dieu fout chez moi ? s'emporta Balthy. OK les gens, changement de programme ! Laissez le mortel crever où il veut ! Notre priorité n°1 est maintenant de savoir quel est l'enfant de putain qui veut voler mes objets de collection !

Le groupe se mit à réfléchir, chose rare chez eux.

- Bah... C'est peut-être simplement Crimi qui est venu récupérer des affaires qu'elle a oublié? suggéra Vicky.
- Impossible ! Elle a tout pris, et de toute façon les gardes ont ordre de lui bloquer l'entrée !
- Mais alors... Qui ça peut être ? demanda Dragonnoir. En dehors de nous et Crimson, il n'y a que très peu de Dieux...
- Et aucun de ces Dieux n'a d'intérêt à pénétrer dans le palais... ajouta Kadaj.
- Même s'ils voulaient y entrer, ils ne pourraient pas ! intervint Yuffie avec une pointe de fierté dans la voix.. Sur ordre de Balthy, j'ai fait installer tout un tas de défenses anti-intrusion autour du palais ! Un moustique ne pourrait pas se poser sur la pelouse du palais sans se faire atomiser !

…

- Ah oui quand même ! murmura Fabien.
- Donc, si je comprends bien, aucun d'entre nous n'est capable de rentrer dans le palais, et pourtant, il y a bien un Dieu là-dedans ! résuma Dragonnoir.
- J'ai peur de comprendre... dit Darkars.
- En effet, ça ne peut vouloir dire qu'une chose... énonça Balthy sur un ton grave. Florian n'est pas un simple mortel ! C'est un des nôtres ! Et un seul des nôtres a quitté le monde divin... Théoriquement, sans possibilité de retour, mais il semblerait que nous nous sommes trompés à son sujet...

Tous les Dieux du groupe comprirent d'un seul coup, sauf Vicky. Pas parce qu'elle n'avait pas compris (pour une fois), mais parce qu'elle savait depuis le premier chapitre que Florian n'était pas celui qu'il prétendait être. D'autre part, elle ne put cacher sa déception devant le fait que le chapitre actuel se terminait sur une révélation qui n'en était pas vraiment une.

VIII. Le Prince des Placards


Avant de rejoindre nos Dieux préférés (et Fabien, pauvre mortel embarqué dans une histoire qui le dépasse), penchons nous quelques instants sur l’histoire de Lacébé.
Car en effet, contrairement à ce que l’état actuel des choses pourrait laisser penser, la cité des Dieux a eu ses heures sombres.

Il fut un temps où les conflits faisaient rage. Un temps où la Grande Cité était en ruine, où les armes d’une puissance inimaginable ravageaient un sol foulé par des êtres mutants, aberrations nées d’esprits malades. Une période de troubles durant laquelle chaque Dieu luttait férocement contre ses pairs, laissant à l’abandon le monde qu’ils avaient conjointement créé.

L’ordre des choses était bouleversé et cette guerre continuelle ne pouvait plus durer. L’Union des Dieux devait être reformée. Et seul un ennemi commun, plus terrible que tout ce que les Dieux avaient jamais eu à endurer, pouvait les rassembler ainsi.

Le Dieu Noir, le Tyran masqué, l’Inconnu, l’Etranger… Cette horreur venue tout droits des derniers cercles de l’Enfer était connue sous bien des noms… Mais il avait marqué les esprits sous celui de Levy.

***

Pendant que nous révisions notre histoire divine, le groupe a fait de la route ! La bande se trouve désormais à quelques mètres du pont du Palais, qu’ils s’apprêtaient à traverser au pas de course.

- Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce qui se passe ? Vous avez l’air super paniqués, comme si on allait se payer une guerre thermonucléaire globale dans nos tronches ! demanda un Fabien essoufflé par tant de course.
- Pas du tout ! C’est bien pire ! Si Levy est entré dans mon Palais, c’est pour une seule raison ! Et s’il il trouve ce qu’il cherche, on sera bien dans la merde ! expliqua Balthy, tout aussi essoufflé.
- Et il cherche quoi, si c’est pas indiscret ?
- Tais-toi et cours !

Peu satisfait des réponses de son créateur, Fabien suivit le mouvement et traversa le pont en compagnie des six Dieux, même s’il ne voyait pas pourquoi il fonçait tête baissée dans une situation merdique. Il aurait aussi bien pu tourner les talons et retourner sur Terre, reprendre sa petite vie tranquille. Mais pour une raison qui lui était inconnue, il s’entêtait à prendre part à ce qui s’annonçait comme une guerre divine totale.
Fabien se maudit lui-même, ainsi que l’auteur qui l’obligeait à rester dans ce monde de fous.

Le groupe atteignit rapidement le palais. Les gardes de l’entrée avaient été purement et simplement réduits en cendres. L’identité du coupable était évidente.

- Les gardes ont été carbonisés ! Je suis sûr que c’est un dragon qui a fait le coup ! s’exclama Vicky.
- Je rêve ou tu m’accuses ? s’énerva Dragonnoir.
- Vicky, ça ne peut pas être Dr… Mais bordel ! Drag’, qu’est ce que tu fous ici ? Je t’avais envoyé bouler à l’autre bout de Lacébé ! s’exclama Balthy, qui venait de réaliser que le dragon était avec eux.
- Heu, ça fait un moment que je vous ai rejoint, je suis avec vous depuis le labo…Je, heu… je suis arrivé en même temps que Yuffie ! Mais super discrètement !
- Ah bon… C’est moi où l’auteur essaye de rattraper l’erreur qu’il a fait au chap précédent ?
- Bordel, on s’en fout Balthy ! Levy est dans le Palais ! Il faut à tout prix l’empêcher de récupérer sa gemme !
- Sagem ? Depuis quand les Dieux ont des téléphones portables ? s’interrogea Fabien.
- Pas Sagem, abruti ! Sa gemme ! expliqua Kadaj.
- Bon, vous faites chier à perdre du temps ! On investit ce palais, oui ou merde ? s’impatienta Yuffie, décidée à faire parler la poudre, le napalm, l’atome et tout ce qui peut potentiellement tout ravager.

Suivant les conseils avisés de l’experte militaire, le groupe pénétra dans un palais sans vie. A vrai dire, toutes les vies du Palais avaient vraisemblablement été ôtées sans ménagement.

- Bordel de merde d’enflure de connerie ! Il a liquidé tous mes serviteurs !
- C’est horrible… sanglota Vicky.
- … Je vais devoir en embaucher d’autres ! Ca va encore me coûter une fortune !
- Ah oui, c’est un sentimental, le Balthy… remarqua Fabien.
- Bref ! Direction la salle des Coffres !

Le groupe traversa les couloirs à toute allure. Fabien accéléra le pas, car il espérait pouvoir piquer des diamants dans la salle des coffres.

***

Pendant que le groupe traverse l’immense palais impérial, reprenons notre cours d’histoire divine…

… Ah, on me signale dans l’oreillette qu’on n’a pas le temps, et que de toute façon c’est trop chiant ! Bon, eh bien retournons auprès de nos chers Dieux, aux portes de la salle des Coffres…

***

La salle des coffres était en réalité un immense creux dans la roche, sorte de caverne artificielle qui ressemblait fortement à l’antre d’un dragon. Une des nombreuses légendes de Lacébé raconte que Dragonnoir nichait autrefois ici avant de se faire jeter par Balthy, qui construisit alors son palais autour de cette caverne naturelle. Mais on me dit une nouvelle fois dans l’oreillette que je commence à être relou avec mes leçons d’histoire, et que les lecteurs veulent du sang, du sexe et des pampas, voire les trois à la fois pour certains.

La salle des coffres, donc, était terriblement sombre et inquiétante.

- Balthy, tu n’as jamais pensé à mettre de la lumière dans cette caverne ? demanda Kadaj.
- Bah normalement, il y a de la lumière, mais là…

C’est alors qu’une énorme explosion éclata de l’autre côté de la salle. Les trophées, couronnes et autres objets de valeur volèrent dans tous les sens, et le groupe eut tout juste le temps de s’abriter derrière une étagère pour éviter de se faire arracher la tête par une hache d’apparat, un sabre de collection ou une assiette à dessert elfique.

- C’est Levy ! s’écria Dragonnoir. Il a brisé le Réceptacle de Puissance !
- Il est trop tard, bande de petits dieux de bas étage de plafond… répondit Levy, qui se trouvait à quelques mètres d’eux, une gemme violette à la main. J’ai enfin récupéré ce qui est mien ! A moi ! Mon précieux !
- Heu… Lui aussi il est instable ? demanda Fabien à voix basse.
- L’heure de ma vengeance a sonné telle la cloche d’un berger ! Vous allez bien vite apprendre qu’on ne se débarrasse pas si facilement d’un Dieu ! Je ne suis pas la mouche sous vos sandales ! Ce n’est plus qu’une question de jours avant que votre belle cité ne soit plus que ruines fumantes et décadentes !

Sur ces mots, Levy prononça une incantation étrange : " Levy lance TELEPORT ! " et se volatilisa aussitôt. En revanche, ses vêtements étaient toujours là, sur le sol dallé de la salle des coffres.

- Sa téléportation est toujours aussi foireuse… C’est déjà ça… soupira Balthy.
- Bordel, est-ce que quelqu’un pourrait m’expliquer ? Ca va trop vite ! s’écria Fabien. En même pas une heure, on est passé du statut de touristes à celui de première ligne de défense contre le mal ultime ! J’apprécierais des explications !
- Bon… On peut avoir un petit cours d’histoire, narrateur ?
- Allez vous faire foutre !
- Bon, bah je résume alors… En gros, Levy est un méchant ! Et il veut tuer les gentils !
- Un peu plus détaillé, s’il te plaît !
- Bon… Il y a de cela très longtemps, nous, les Dieux, étions en guerre… C’est à cette époque là que le diabolique Levy est apparu ! Sous son air de Dieu tout à fait normal, se cachait un véritable génie du mal ! Nous avons dû nous allier et utiliser nos pouvoirs combinés pour le tuer !
- Sauf que, contrairement à ce que nous croyions, il n’était pas mort… Mais il avait été incarné dans le monde des mortels ! expliqua Darkars. Et il est revenu avec toi…
- Pour tous nous tuer ! s’exclama Balthy tout en prenant une pose dramatique.
- Mais… Pourquoi il ne l’a pas fait tout à l’heure ? demanda Fabien ?
- Bah pour faire durer l’histoire !
- Ah bah oui, bien sûr… Eh bah, ça craint en tout cas ! On a une chance de le battre ?
- Oui, il n’y a qu’une seule solution, expliqua le pampa. Nous devons tous unir le pouvoir qui réside dans nos Gemmes de création !
- Les gemmes de création, c’est ce que tenait Levy dans sa main ? L’espèce de cristal violet ?
- Exactement ! Et pour détruire Levy, nous allons devoir rendre visite à chacun des Dieux et Déesses de Lacébé afin qu’il se joigne à nous !
- Et ça, ça fait carrément chier ! râla Balthy.
- Je sais cous’, c’est dur à accepter, mais Crimson fera partie du voyage ! C’est obligé !
- Raah ! Puisque tu fais tant le malin, on va aller chercher ta Gemme en premier, petit branleur !
- Quoi ? Hé, mais… Mais ça peut attendre ! On n’est pas pressé !
- Discute pas ! T’avais qu’à pas la ramener par rapport à Crimson !
- Mais… on devrait récupérer la tienne d’abord !
- C’est fait ! Elle était juste là, dans un coffre !
- Raaaah… Bon, ben allons dans mon domaine…
- Comment ça, "dans" ton domaine ? Tu penses vraiment qu’on y rentre à sept ? Hahaha !
- Rah, va mourir !
- J’ai pas compris… dit tristement Fabien.

Le jeune homme n’allait pas tarder à comprendre, car il s’avérait que l’entrée du Domaine de Darkars se trouvait de l’autre côté du pont du Palais. Tandis que le groupe montrait peu d’enthousiasme, Fabien était impatient de visiter le domaine d’un Dieu.

- Je me demande à quoi peut bien ressembler le domaine d'un dieu pampa ! Je parie que c'est un immense désert avec un grand village pampa !
- Euh, pas vraiment… dit Darkars.
- Il faut que je t'explique ! lança Balthy d'un ton enjoué, presque narquois. L'apparence du domaine d'un Dieu n'est pas simplement fonction des ses goûts, de son origine ou de son apparence. Elle dépend avant tout de sa créativité, de sa productivité et de son imagination ! C'est pour ça que j'ai un super palais qui déchire !
- Et alors, quel rapport avec Drakars ?
- Eh bien, mon cousin ne brille pas vraiment dans ces domaines…

Tandis qu'il parlait, le groupe arriva au niveau d'une porte en bois tout à fait basique que Fabien devina être la porte d'entrée du domaine de Darkars. La porte ressemblait énormément à la Porte de Lacébé, celle par laquelle il était arrivé ici, hormis le fait qu'elle était vert clair et non orange.
Avec un soupir, Darkars ouvrit la porte de son domaine, révélant ainsi… un placard. Faiblement éclairé par une lampe de chevet, le réduit plutôt sale était encombré de bricoles diverses. Dans un coin, se trouvaient un adolescent demi-dragon et une jeune fille, ligotés ensemble. Une affichette était collée sur le front de la fille; elle indiquait "PAS FINIS".

- Darkars… Ton domaine est… un placard ? s'étonna Fabien
- Roh ça va hein ! C'est pas ma faute si j'ai pas d'inspiration !
- Qu'est-ce tu veux, on peut pas tous avoir un palais super classe…
- Va mourir, sale protoss !

Darkars se saisit d'un petit cristal verdâtre monté en pendentif qui traînait dans le placard. Passant sa gemme de Création autour du cou, le pampa referma la porte de son "domaine" et s'éloigna en maugréant.
Le groupe le suivit en direction du quartier commerçant…

IX. Delirium Tremens


Tout en suivant le pampa désormais très énervé par l'humiliation publique qu'il venait de subir, Fabien s'interrogeait. En quelques heures, sa vie avait basculé, passant d'une indolente nullité à un stress critique en situation de guerre totale. Il débarquait dans une espèce d'univers parallèle complètement barré, et une heure plus tard il se rendait compte qu'il s'y était rendu en compagnie de l'incarnation du mal suprême. Il ne se sentait pas responsable de ce qui se passait, ça le faisait juste chier. Il aurait préféré partir et laisser ces Dieux se démerder, rentrer chez lui et bouffer des chips devant une énième rediffusion de Doctor Who, et pourtant il restait là, essayant de les aider dans la mesure du possible. Il se croyait dans un récit fantastique de bas étage.

Le groupe arriva bien vite dans le quartier commerçant de Lacébé. Ils circulèrent comme ils purent dans les rues étroites et bondées (Dragonnoir ayant repris forme humaine par souci pratique), entre les échoppes aux enseignes ostentatoires, les vendeurs à la sauvette (Darkars étrangla d'ailleurs au passage un vendeur de bottes de kick contrefaites) et les étals débordant sur la voie. Slalomant parmi la foule, ils atteignirent finalement un petit bouge à l'air miteux dont l'enseigne annonçait : "Taverne du Voyageur".

- Quelqu'un peut m'expliquer ce qu'on va glander dans ce bistrot pourri ? demanda Fabien, excédé de suivre sans comprendre ce qui se passait.
- Déjà, c'est pas un bistrot pourri, c'est la taverne du Voyageur, petit con ! s'énerva Balthy. Le plus grand choix de bières de toute Lacébé ! Des siècles d'existence ! Un personnel compétent et à l'écoute du consommateur ! Une variété de …
- Laisse le, dès qu'il s'agit d'alcool, il s'emporte… expliqua Vicky.
- Bon alors, on rentre ? s'impatienta Kadaj.
- Yessss ! Allons boire un coup ! s'exclamèrent en cœur l'empereur et son cousin cactoïde.

Le premier détail qui frappa Fabien, c'était la différence entre l'extérieur et l'intérieur de l'établissement. La décoration, notamment : l'intérieur était tout simplement magnifique, avec la charpente finement ouvragée et les œuvres d'art sur les murs. Mais surtout, l'intérieur était incroyablement plus grand que l'extérieur. Alors que vu de dehors, la taverne avait l'air d'une petite maison, l'intérieur était une immense salle de banquet que bien des monarques jalouseraient.
Le jeune mortel n'eut pas le temps de réaliser la magnificence des lieux que déjà, on l'entraînait vers une des innombrables tables libres. D'ailleurs, la taverne était étrangement vide pour un jeudi après-midi. Bien vite, une jolie serveuse arriva :

- Bien le bonjour, Maîtres et Maîtresses ! Que souhaitez-vous consommer aujourd'hui ?

Dragonnoir et Balthy commandèrent une pinte de bière spéciale du patron, Darkars et Kadaj un Russe Blanc à la Roger. Yuffie refusa poliment toute boisson tandis que Vicky, d'abord indécise, se contenta finalement d'un jus d'orange. Fabien demanda un Coca, mais devant les regards d'incompréhension des six divinités et de la serveuse (qui n'avaient absolument aucune idée de ce que pouvait être ce breuvage exotique), lâcha un faible "la même chose qu'elle".

Alors que leurs commandes arrivaient avec une rapidité qui surprit Fabien (habitué aux bars français), Dragonnoir murmura :

- Vous pensez à ce que je pense ?
- Je crois bien que oui… répondit Kadaj.
- C'est comme la dernière fois ! Si ça continue, on n'aura pas d'autre choix que de lui retirer son statut divin !
- Hélà, une minute, c'est moi qui décide des statuts ici ! intervint Balthy, qui aimait rappeler qu'il était l'empereur.
- Fais ta crise d'autorité si ça te chante, mais reconnais qu'il abuse ! répondit Darkars.

Fabien, excédé d'être exclu de la discussion, tapa du poing sur la table. Et regretta bien vite son geste lorsque cinq Dieux le regardèrent d'un air agressif. Seule Vicky intercéda en sa faveur :

- Je le comprends, le pauvre, il ne sait pas de quoi on parle… Il n'est pas d'ici, je vous rappelle !
- Ouais, j'aimerais bien qu'on m'explique ! Et pas avec un ton de guide touristique relou comme le fait Darkars !

Le pampa se renfrogna et but une gorgée (je vous ai déjà expliqué combien c'est difficile pour un pampa d'attraper un verre ?), tandis que Balthy commençait l'explication.

- Tu auras certainement remarqué que nous sommes dans une taverne un peu... particulière !
- Quoi, y'a des filles à moitié nues qui vont débarquer et se déhancher sur du Joe Cocker ? demanda le mortel.
- Mais non, abruti ! Je parle de la différence intérieur/extérieur ! Cet endroit n'obéit pas aux règles matérielles du monde normal… Nous sommes dans un Domaine Divin !
- Quoi, tu veux dire qu'il y a un Dieu tellement alcoolique que son domaine est une immense taverne ?
- Oui, malheureusement… Et il est tellement accro qu'il néglige son domaine ! C'est pour ça que le couple qui tenait la taverne pour lui est parti à l'aventure dans un gouffre maudit !
- C'est pour ça qu'on est venu, intervint Darkars. On va aller le dessouler, l'engueuler pour sa mauvaise gestion, puis l'embarquer avec nous dans notre quête contre le Mal Ultiiiiime !
- D'ailleurs, je veux pas avoir l'air chiante, mais au lieu de balancer une charge nucléaire sur le repaire de Levy, vous vous baladez en ville et vous buvez des coups… commenta Yuffie.

Agacé par ce comportement, Balthy entraîna gentiment Yuffie à l'extérieur de la taverne et la /kicka à travers la nuit qui tombait désormais sur la ville. Il retourna dans la taverne et commença à traverser la salle principale, hurlant aux autres de "ramener leurs fesses histoire d'en finir avec ce poivrot".
Le groupe le suivit donc… jusqu'à la porte des toilettes, une porte mauve en bois bien fermée. Fabien se raidit de terreur à l'idée de partager une cabine de toilettes avec cinq autres personnes.

- Hélà, je sais pas quel genre de fantasmes bizarres vous avez, vous les dieux, mais je sens que si je rentre dans ces toilettes avec vous cinq, je risque d'avoir du mal à marcher pendant un moment !
- Cous', tu nous l'as fait pervers, comme je les aime ! s'exclama Darkars, ce qui eut pour effet d'effrayer encore plus le jeune homme.
- Rassure-toi jeune, on va rien te faire… De toute façon, t'es trop vieux… soupira Dragonnoir.
- Excusez-moi de vous interrompre dans vos perversités, mais il serait peut être judicieux de laisser quelqu'un à la taverne pour monter la garde ! intervint Kadaj.
- Bonne idée ! Je m'y colle ! s'exclama Dragonnoir avec une joie non dissimulée.
- T'as l'air bien impatient, c'est suspect… Enfin bref, c'est comme tu veux ! dit Balthy.

Dragonnoir s'éloigna en faisant un petit coucou de la main (que seules Kadaj et Vicky lui rendirent) et retraversa la salle en direction de l'entrée, cette salle si grande qu'au bout d'un moment le Dieu n'était plus qu'un petit point dans le lointain.

Balthy poussa la porte… et le groupe fut aspiré dans un vortex de délires alcooliques.

X. Bêta ouverte


Balthy ouvrit les yeux dans une pièce sombre, seulement éclairée par un néon. Devant lui, une table en fer, sans rien dessus. On aurait dit une sorte de salle d'interrogatoire conçue pour faire flipper les suspects, comme on en voit dans les mauvaises séries américaines.
Ce n'est qu'en voulant bouger pour sortir d'ici que l'empereur, encore mal réveillé, se rendit compte qu'il était attaché à une chaise.
Un officier de police sortit des ténèbres pour se rapprocher de Balthy. Alors qu'il se rapprochait de la lumière, le Dieu put distinguer ses traits. Un brun mal rasé, un visage grave, marqué par la souffrance et une vie de privations… et d'alcoolisme. Une tête que Balthy connaissait. La dernière fois qu'il l'avait vu, c'était dans une vieille Mini noire sur les routes d'une France dévastée par le feu nucléaire.

"Resses… Eric Resses…" dit Balthy d'une voix faible.

Il ne réagit pas en entendant son nom. Etait-ce vraiment lui ? Sur la table, sous le nez de l'empereur, l'officier posa une photo. Le portrait d'un jeune homme roux, souriant, au volant d'une Mini noire…

- Lille, 3 février 2011. Jack Easley.", énonça abruptement Eric.

Balthy ne comprenait pas ce que tout cela signifiait.

- Qu'est ce que je fais ici ? Et toi, Eric ? Pourquoi tu me colles cette photo de Jack sous les yeux ? Qu'on m'explique, quelqu'un ! Je suis l'Empereur, bordel de merde !
- Ah, ça ne te suffit pas ?

Eric posa une seconde photo sur la table. Un jeune homme blond avec un pantacourt noir dont une jambe était plus longue que l'autre. Une faute de goût atroce, dirait Vicky. Atroce, mais pas autant que son rire…

- La Capitale, 24 octobre 2010", martela une nouvelle fois Eric, dont la colère commençait à se faire sentir. "Et maintenant, tu vois où je veux en venir ?"

- Mais non, bordel, je ne comprends pas pourquoi tu me montres des photos de mes Créations en m'énonçant des dates et des lieux ! Je devrais être en train d'exercer ma tyr… euh, mon règne éclairé sur Lacébé, pas être enchainé dans une salle d'interrogatoire avec un mercenaire alcoolique devenu…

Eric Resses frappa violemment du poing sur la table. Les photos volèrent.

- Dans un quartier de la Capitale, le 24 octobre 2010, Tidus trouve la mort contre Exdeath ! Pourquoi ? Pour protéger les Turks !

Le flic hurlait maintenant.

- Lille, 3 février 2011 ! Jack Easley meurt ! A mes côtés ! Le crâne transpercé par un PUTAIN DE SLASHER !
- Alors c'est ça ? Tu m'accuses de tuer mes créations ? Mais c'est mon droit, petit con ! C'est doublement mon droit ! En tant qu'auteur ET en tant qu'Empereur Suprême de Lacébé et des Domaines Divins de la région Europe occidentale !

Eric, penché par-dessus la table sur laquelle il s'appuyait, le regardait droit dans les yeux. Il avait retrouvé son calme. Un calme froid comme la vengeance.

- Et je ne compte là que les meurtres directs… Pas tous les personnages que tu as laissé mourir, oubliés de tous…
- Ah, me relance pas sur ma productivité ! T'es bien comme ton créateur !
- Il faut lui verser de l'eau sur le crâne !
- Hein ? Tu délires, Eric !
- De l'eau ? Y'a pas de ça chez moi !
- Whaaaaaaaaaat ?
- Mettez-lui des baffes !

Balthy reçut un coup venu du néant. Il n'y avait personne dans la pièce, et Eric avait toujours les mains sur la table. Et il continuait son discours insensé, toujours en regardant l'Empereur dans les yeux.

- Encore ! Il est résistant le cous' !
- C'est quoi ce foutoir ?
- Rappelez Yuffie, elle saura y faire !
- Quelqu'un aurait une aspirine ?
- Pas la peine, je peux le faire moi-même !

Il reçut un second coup, suffisant pour le faire s'évanouir. Eric disparut dans les ténèbres.

Il vit des tas de visages connus défiler devant lui. Zaléra. Diabolos. Les Turks. Ses collègues Dieux. Tous disaient d'une même voix d'outre tombe :

"Tu nous as laissés mouriiiiir…"

Puis ils disparurent. Et il vit le visage de Jack Easley, qui le regardait fixement. Mais son front était traversé de part en part par le bras d'un slasher.

"Tu m'as tuééééé…"

Son visage se transformait petit à petit. La chair se décomposait. Bientôt, il ne resta qu'un crâne troué qui agitait sa mâchoire.

"Kaaaakakakakaka… Tu m'as tué Balthy… Tu es un criminel, Balthy, tu vas finir dans les geôles de Solitude avec Kharjo, ton crâne va rejoindre ma famiiiille, kaaaaakakakakaka…"

***

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il vit Fabien. Ou plus exactement, la main de Fabien qui le frappait sans ménagement en pleine face.

- Ayé ! Il s'est réveillé ! exulta Vicky.
- Enfin ! On croyait t'avoir perdu pour de bon, cous' ! annonçait Darkars avec soulagement.
- Roh làlà… J'ai fait un putain de cauchemar… lui répondit l'Empereur avec une voix digne d'un lendemain de cuite.

De derrière le groupe, surgit un homme étrange. Il était déguisé en plombier, et arborait une casquette violette frappée d'un grand "E". Son visage, partie la plus perturbante de son anatomie (ou du moins, de son anatomie visible), était constitué de petits carrés de couleurs. On distinguait vaguement des lunettes et une barbe de trois jours sur cette gueule basse résolution. Il avait une bouteille de vin à la main.

- Alors, le v'là réveillé l'patron ? Hips ! Ca se fête ! Champagne pour tout le monde ! C'est moi qui offre !

Balthy se releva péniblement pour aller saluer son ami Ephrallion… en faisant bien attention de ne pas tomber dans le vide. Ils se trouvaient dans le Domaine d'Ephrallion, un monde en fausse 2D qui faisait penser à une jeu de plate-formes raté, ou du moins fortement buggé. Le sol se résumait à une bande de terre d'à peine un mètre de large, aussi fallait-il faire attention à où on mettait les pieds. D'autant plus qu'ils voyageaient en groupe…

- Content de te voir Ephra… Toujours aussi bourré à ce que je vois ! constata Balthy
- Tu rigoles ? Hips ! J'suis quaaaaasiment sobre ! C'est que ma première bouteille de vin de la journée !
- Ouais, enfin tu sais, la bière compte aussi…
- Ah meeeeerde tu me pourris mes stats ! Faut que je carac… que je racacu… reculac… réenc…
- Recalcule ?
- Ouais voilà ! Enfin peu importe ! Je ferai ça une autre fois ! J'vais le marquer sur la Tout Doux Liste !

Ephrallion tira un levier près de lui. Un nuage descendit du ciel dans un mouvement saccadé. Lorsque il arriva à hauteur du groupe, les Dieux (et Fabien, n'oublions pas ce pauvre petit) constatèrent que le nuage était en fait un grand tableau blanc sur lequel le Dieu alcoolique avait écrit en vrac des choses à faire et des bouts de code informatique incompréhensibles. Ephrallion y griffonna quelque chose, puis tira à nouveau sur le levier pour renvoyer le nuage-tableau en hauteur.

- Tu vas utiliser tes statistiques de boisson dans ton prochain jeu ? demanda Kadaj.
- Ouais ! C'est un concept de fou ! Super Drunk Bros ! Un jeu de plate-formes old-school, et à chaque fois que tu perds une vie, tu bois cul-sec ! Et puis quand y a les boss, l'écran se trouble et…
- Et je crois qu'on s'en branle ! intervint un Fabien passablement énervé. On a du boulot, alcoolique de mes couilles ! Prends ta gemme de création et suis-nous ! On doit aller buter Levy !
- Lev… Hips ! Levy ? Ce branleur qui boit que de l'eau ! Je suis pour ! Je vais chercher ma gemme ! Elle est dans mon atelier, je m'en sers pour la dilis… la délist…
- Le désistement ? suggéra Vicky, mais un regard noir de Kadaj lui fit comprendre qu'elle avait tout faux.
- La déstali… La dissi…
- Désinstallation ? tenta Fabien.
- Distoli… Dalista… Dis-til-la-tion ! Voilà ! Distillation ! annonça Ephra avec une joie manifeste.

Le dieu programmeur s'éclipsa un instant par un tuyau géant, puis remonta quelques minutes plus tard par ce même tuyau avec un cristal mauve.

- Waw, ta Gemme est coordonnée avec tes habits ! s'extasia Vicky. Par contre, je trouve que ça fait beaucoup de violet…
- C'est pas violet ! s'offusqua Ephrallion. C'est ce buveur d'eau de Levy qui a une gemme violette ! Moi elle est pas violette ! C'est BORDEAUX ! Rien à voir !
- Oui, Ephrallion aime beaucoup le bordeaux ! souligna Darkars.
- Bon, eh bien, mettons nous en route maintenant que tout est prêt ! dit Balthy.
- Euh… On passe par où ? demanda Kadaj.
- Oui, parce qu'en arrivant, on est juste tombé sur le sol, y'avait pas de porte d'entrée ni rien… C'est pour ça que vous vous êtes évanoui, Balthy, vous êtes tombé la tête la première sur une grosse brique avec un point d'interrogation dessiné dessus, expliqua Fabien.
- C'est très simple de sortir ! intervint Ephrallion. Il suffit de finir le niveau !

Le groupe soupira. Ils avaient déjà goûté aux jeux buggés d'Ephrallion, et n'avaient aucune envie d'y rejouer… Si on peut appeler ça jouer. Balthy attrapa l'alcoolique par les épaules et le regarda droit dans les yeux.

"Ephra, je t'en supplie, dis-moi que tu as enlevé le niveau 2012…"

XI. Schizo, freine !


La porte mauve des toilettes de la Taverne du Voyageur s'entrouvrit et laissa échapper six jeunes gens passablement épuisés. Darkars avait perdu quelques épines, et les autres avaient l'air roussies. Kadaj était pâle comme un linge et se bouchait les oreilles en criant « PAS JUSTIN ! PAS JUSTIN ! ». Les autres avaient simplement l'air d'avoir passé 4500 ans dans la cellule de prison la plus dégueulasse de l'Univers, avec des camarades de cellule très sympathiques et des savonnettes bien trop glissantes. Seul Ephrallion avait l'air normal. Enfin, aussi normalement torché que d'habitude.

Fabien, le regard dans le vague à la recherche d'une personne assez charitable pour mettre fin à ses souffrances, ouvrit péniblement la bouche.

- Qu'est ce que c'était que ce bordel...
- Le niveau 2012 ; lui répondit l'Empereur. L'horreur...
- L'apocalypse, le condensé ultime des horreurs de l'univers... enchaîna Darkars.
- PAS JUSTIN ! PAS JUSTIN ! continuait Kadaj.
- Bouhouhouhouhou... Les pauvres petits lapins...sanglotait Vicky.
- Hips ! hoqueta Ephrallion. C'est ça la fidil.. difféc.. difficulté des jeux rétro !

Le groupe resta là pendant vingt bonnes minutes, étalés par terre, le temps de chasser ces horreurs de leur esprit. Même pour ceux qui l'avaient déjà traversé, le niveau 2012 d'Ephrallion restait une torture mentale. Le pauvre Fabien avait envie de mourir, mais l'auteur tenait trop à sa vie pour lui accorder le repos éternel. Le jeune mortel maudit son statut de premier rôle et se releva péniblement, car il entendait une voix à l'autre bout de la grande salle de la taverne.

- Hé ! Vous entendez ça ?
- Ouais, on dirait un genre de chanson ! nota Vicky.
- Je crois que j'ai suffisamment entendu de chansons pour le restant de mes jours... soupira Kadaj, encore traumatisée par Justin.
- Je connais! C'est ma chanson paillarde préférée ! Yeaaaaah ! hurla Ephrallion.

L'alcoolique partit au pas de course en direction de l'entrée de la taverne, et le groupe le suivit aussi vite qu'il le put, mais pas assez vite pour le rattraper, et Ephrallion ne fut bientôt plus qu'un petit pixel alcoolisé dans le lointain.

- Drag' aura intérêt à s'expliquer ! ragea l’Empereur. Il était censé monter la garde !
- Tu sais boss, Drag' donne un sens différent à l'expression "monter la garde" ! précisa Kadaj.
- Je sais ce que tu veux dire, et c'est impossible ! Pour éviter ce genre d'incident, j'ai interdit à la Garde Impériale d'intégrer des femmes !
- Non, ça n'est pas ce que je veux dire ! En fait, Drag' a sa façon bien à lui de monter la garde...
- C'est à dire ? demanda Fabien qui en tant que lycéen du XXIème siècle, n'avait aucune idée de comment on pouvait bien monter la garde.
- Bah, comme un vrai garde...

Le groupe arrivait maintenant à hauteur du comptoir de la taverne. Comptoir où se trouvaient justement accoudés Dragonnoir et Ephrallion, tous deux torchon-chiffon-carpette, une chope à la main, en train de chanter à tue-tête :

La p'tite viéra du château
Vint un jour nous rendre visite
Toute nue sous son manteau
Elle sait que ça nous excite

(Oh yeah, refrain!)

Elle contemplait mon membre
Nous avions tous un peu bu
C'est pourquoi, sans plus attendre,
Je la lui mis dans le *ZBAAAAAAAF*

Vicky avait attrapé deux plateaux qui traînaient sur le comptoir et frappé les deux imbéciles.

- C'est marrant, ça sonne creux ! ricana-t-elle.
- Hé, ça fait mal ! râla Dragonnoir, qui se fit attraper par le col par son Empereur.
- Alors c'est pour ça que tu voulais monter la garde, branleur ! cria Balthy en le secouant comme un prunier. Pour mieux te bourrer la gueule ! C'est scandaleux...
- Ha, ça fait plaisir de voir que l'Empereur a à cœur de vite rassembler les Gemmes et de punir les traînards... dit Fabien avec une satisfaction évidente.
- Oui, scandaleux ! poursuivit Balthy. Tu aurais dû m'attendre !

L'Empereur se servit une chope à ras bord et se joignit aux deux autres alcooliques pour entonner le second couplet. Cette fois-ci, Kadaj et Vicky ne furent pas trop de deux pour leur coller des plateaux dans la gueule.

- Non mais ! T'es pas bien de frapper ton Empereur ! protesta Balthy à l'adresse de Vicky. Je pourrais te jeter dans la tanière de Timmy pour ça !
- Vu le nombre de fois où tu t'y jettes volontairement, je suis pas trop inquiète... répondit-elle avec un air de défi.
- Herm... Oublions ça ! Il est temps de punir ces deux alcooliques pour leur comportement scandaleux !
- Maiiiiis ! C'est pour le boulot ! se plaignit Ephrallion. C'est important pour mon jeu !
- Et puis apparemment, c'est dans sa nature de toute façon... dit Fabien dans un soupir.
- Pas faux ! C'est donc toi que je punirai, Drag' ! annonça Balthy.
- Mais euuuh ! C'est trop injuste ! pleurnicha l'homme-dragon.
- Discute pas ! C'est comme ça ! intervint Kadaj. Sinon, un coup de poêle !
- Eh ben, elle rigole pas la Moumoune...
- Mince ! On dirait qu'il refait une crise ! dit Vicky, visiblement terrifiée.
- Ouais ! Une CRISE D'OBLIVION ! HAAAAAAAAAAAAAAAAN !

Dragonnoir courait partout dans la salle en agitant une épée inexistante.

- Je suis Drag Lennon le Dovahkiin ! FUS RO DAH ! Décapitation !
- C'est donc ça son... instabilité ? demanda Fabien.
- Eh oui... Il a toujours été comme ça, et ça ne s'est pas arrangé avec sa divinisation... soupira Vicky.
- Kaaaaakakakaka ! Je veux du skoomaaaaaaaaaaaaa !
- Kadaj, tu as ses cachets ? demanda l'Empereur.

La scientifique fit oui de la tête et sortit deux pilules blanches de sa poche. Alors que Dragonnoir faisait semblant de tirer à la mitrailleuse en criant "Et le tank il exploooooooooooooose !", Balthy se glissa derrière lui et lui mit un grand coup de pied derrière le genou pour le faire tomber. Vicky s'assit sur le Dieu désormais étalé sur le ventre pour l'immobiliser. Tandis qu'il disait d'une voix de malade mental "J'étais Dovahkiin, puis j'ai pris un improductif dans le genouuuuuu", Kadaj, lui ouvrit la bouche de force, comme elle le ferait avec un poulet, et y introduisit les cachets.

Une déglutition plus tard, Dragonnoir était calmé, et somnolait face contre terre. Vicky avait toujours l'air inquiète.

- Je me souviens qu'une fois, quand on lui avait donné ces cachets, y'avait eu une drôle de réaction... dit-elle.
- Ne t'inquiète pas ! intervint Kadaj. Je lui ai administré une forme allégée du cachet ! Il sera calmé, mais sans effets secondaires !

Et en effet, Dragonnoir se réveillait déjà. Il avait l'air aussi normal que possible pour un Dieu schizophrène mi-humain, mi-dragon.

- Gueuah ? Il s'est passé un truc ?
- Tu t'es bourré la gueule sans mon autorisation ! annonça Balthy avec un ton autoritaire. Pour te punir de ce forfait, je te condamne à nous emmener dans ton Domaine par la voie des airs, sous ta forme draconique !
- Quoi ? Tu veux que je vous transporte sur mon dos ? Tous les six ?
- Il faut reconnaître que ce serait un gros gain de temps ! appuya Darkars.
- Mais j'ai les écailles sensibles... Et puis, c'est loin chez moi...
- C'est loin, mais c'est beau ! dit Vicky, dans une tentative plutôt maline de flatter l'ego du dragon.
- Héhé... C'est pas faux ! Allez, on y va !
- On dirait que l'auteur se fait pas chier pour les phases de dialogue ! Comme pour le reste, d'ailleurs ! critiqua Kadaj, qui par un malheureux hasard, glissa au même instant sur une flaque de bière et s'étala au sol. Bien fait.
- Cool ! J'espère que je vais enfin voir un Domaine qui vaut le coup d’œil ! exulta Fabien.

Quelques minutes plus tard, un gigantesque dragon noir fendait les "cieux" de Lacébé. Si vite qu'il ne se rendit même pas compte qu'il avait perdu la moitié de ses passagers en cours de route.

XII. Artista Cubico


Fabien émergea de la grande étendue d'eau dans laquelle il venait de tomber. Il avait beau être un minimum sportif, il n'était pas préparé à tomber du dos d'un dragon pour finalement plonger à toute vitesse dans une piscine carrée. Le jeune homme avait hâte d'en finir et de retourner dans son monde.
En sortant de la piscine, il constata qu'elle était entourée de gradins en pierre, en bas desquels étaient installés Balthy et Darkars, les cousins divins qui étaient tombés en même temps que lui du dos de Dragonnoir. Non loin de l'entrée de la piscine, se trouvaient des tas de blocs de couleur. Fabien avait déjà vu ce genre d'endroit... dans un jeu vidéo.

- Je rêve, où je viens d'atterrir dans une piscine de Dé à Coudre ? demanda-t-il aux deux dieux, alors qu'il s'installait à leur côté sur les gradins afin de se laisser sécher par le soleil artificiel de Lacébé.
- Exact ! confirma Darkars. Le Grand Dé à Coudre de Lacébé, centre historique de l'Aire de jeux ! Situé au cœur d'un site naturel exceptionnel !
- J'le crois pas... Je suis dans un domaine divin ou sur un serveur Minecraft ?
- Y'a un peu des deux, en fait, admit Balthy. Le pouvoir de Création, dans sa manifestation physique, ressemble beaucoup au mode creative de Minecraft... mais en mieux !

Fabien jouait beaucoup à Minecraft, dans son monde. En y repensant, il avait souvent eu le sentiment d'être un Dieu, construisant et détruisant à sa guise, dans la seule limite de son imagination. Etre un Dieu...

- Eh ben, je suis presque comme vous alors ! plaisanta-t-il.
- On en reparlera quand on verra des screenshots... dit froidement Balthy.
- Bon, avec tout ça, on n'est pas avancés ! On est en plein milieu de Lacébé, et rejoindre le Domaine de Dragonnoir à pied sera très long ! rappela Darkars.
- C'est vrai... Attends que je lui remette la main dessus à ce schizo ! Je vais lui apprendre, moi, à me laisser tomber ! ragea l'Empereur.
- Et du coup, on fait comment ? demanda Fabien.
- Eh bien, on a atterri à l'Est, et les autres se dirigent vers le domaine de Drag', à l'Ouest ! Donc nous devrions nous occuper d'aller voir les dieux qui se trouvent ici ! Tant qu'à être à l'Aire de jeux, on devrait en profiter pour passer voir le gérant des lieux, qui est lui aussi un Dieu ! proposa Darkars.
- Un Dieu de merde qui n'a même pas son propre Domaine ! protesta Balthy. En quoi il va nous aider ?
- Domaine ou pas, lui et ses assistants sont des Dieux comme nous, et possèdent leurs Gemmes de Création ! N'oublie pas que nous devons recréer l'Union des Dieux ! Tous les Dieux !
- Tous les Dieux, ça inclut Crimson... et ça, ça fait carrément chier !
- Bah, les autres iront sûrement la voir en sortant de chez Drag'... Avec de la chance, tu n'auras pas à la recroiser !
- J'espère bien ! Bon, on se met en route ?
- Dites, ça vous ennuierait de m'expliquer un peu où on va ? intervint un Fabien excédé de ne rien comprendre, comme souvent.
- On va quitter l'Aire de jeux et emprunter la Voie Impériale pour se rendre à Ada City, la banlieue minecraftienne de Lacébé ! expliqua Darkars.
- Une banlieue minecraftienne ? Y'a des gangsters mexicains ? Du trafic de redstone ?
- Pas du tout, Fabien ! En fait, il s'agit plus ou moins d'une version miniature et pixelisée de Lacébé.
- J'ai même mon palais en sandstone ! C'est moi qui l'ai fait ! ajouta Balthy, avec une pointe de fierté dans sa voix.
- Ada City se trouve non loin d'ici ! Nous sommes à l'Est du Palais, près des Anciennes Ruines, reprit Darkars. Le cous' et moi, on s'est occupé de construire cette petite ville avec Dragonnoir, et Yuffie a donné un coup de main. Par tradition, le Gérant de l'Aire de Jeux loge toujours à Ada City, il y a une maison de fonction.
- Tu parles d'une tradition, on a toujours eu le même Gérant depuis qu'on s'est installé... fit remarquer Balthy.
- Peu importe ! C'est quand même une tradition !

Le groupe avait dépassé une cascade et arrivait maintenant au niveau des murailles qui protégeaient Ada City. Les golems de fer qui faisaient office de gardes les laissèrent passer, et ils débouchèrent sur le quartier résidentiel de la ville. Darkars et Balthy guidèrent le jeune mortel dans le dédale de rues, jusqu'à une petite maison aux couleurs vives. Balthy ne manqua d'ailleurs pas de protester en voyant la façade.

- Rah ! Mais c'est moche ! Il a tout fait en laines de couleurs ! Il ne respecte pas la charte architecturale !
- C'est vrai que c'est pas terrible... confirma Darkars.
- Appliquons la règle ! Si c'est beau, c'est gardé...
- Si c'est moche, c'est détruit ! compléta instinctivement Darkars. Mais... C'est pas un peu extrême ?
- Rien à foutre ! Je suis Empereur et je t'emmerde !

Balthy sortit un briquet de sa poche et entreprit d'enflammer consciencieusement chaque bloc de laine qui composait les murs de l'étrange maison. Bien vite, ladite maison n'était plus qu'un immense brasier, d'où sortit un homme pour le moins étrange. Il portait des habits tout droit tirés de l'Italie de la Renaissance : sa fine moustache, son tablier couvert de peinture et le pinceau qu'il tenait soulignaient son côté artiste. L'homme en question était furieux, comme on pouvait s'y attendre.

- Ma qué ! Cramatta mi casa ! O fortuna !
- Fabien, je te présente Sylverthorn, l'artiste italien dégénéré, et accessoirement Gérant de l'aire de jeux... annonça Darkars dans un soupir.
- Naturalmente ! Yé souis il gérante della Aire dé Giochi ! Et esta casa, Darkars, c'était mi casa de fonctionni ! Qué la cramatta tu cosino !
- Je fais bien de la cramer, Sylver ! répliqua l'Empereur. D'un, c'est moche ! De deux, tu ne respectes pas les matériaux imposés ! Et de trois, tu étais censé apprendre le français en arrivant ici !
- Ma qué ! J'ai fais des efforti ! J'ai lu il Bescherello !
- Eh ben fais plus d'efforts ! C'est inacceptable !
- C'est quand même mieux qu'avant, non ? souligna le pampa.
- C'est vrai, cous'... Mais pas suffisant !
- Yé souis molto désolé, imperatore ! Como puis-je me faire pardonata ?
- Tu vas prendre ta Gemme de création et venir avec nous ! annonça Balthy de son ton autoritaire d'Empereur.
- Mi Gemma de creazione ? Por qué ?
- J'ai l'impression qu'il parle plus espagnol qu'italien... intervint Fabien, dubitatif.
- C'est normal, l'auteur ne connaît pas un mot d'italien ! expliqua Darkars.
- Bon, vous avez fini avec les hors-sujets ? râla Balthy. Comme je te disais Sylver, Levy est revenu, et on a besoin de tous les Dieux pour le combattre !
- Levy ? El Dio maldito ? Yé vais chercher mi gemma... Dans les cendres de mi casa... Mi pobre casa !

Sylverthorn retourna en sanglotant à l'emplacement, désormais fumant et recouvert de cendres, de sa maison de fonction, et entreprit de fouiller les décombres brûlants, se cramant parfois les mains en criant "Ay qué calor !" Balthy lui criait dessus et lui balançait des éclairs juste à côté, histoire de le motiver.
Pendant ce temps, Fabien, inquiet en voyant que chaque nouveau Dieu qu'il rencontrait était au moins aussi débile que le précédent, se rapprocha du Dieu pampa pour lui faire une proposition...

- Dites Darkars, il a l'air un peu... dérangé, ce Sylverthorn, non ?
- En effet, il est un peu fou dans sa tête, comme beaucoup de gens ici...
- Ouais, donc, vous pensez que c'est une bonne idée de l'amener avec nous ?
- Non, mais on n'a pas le choix ! On doit..
- Reformer l'Union, blablabla, oui je sais... Mais bon, on ne va pas la faire de suite l'Union, non ?
- Comment ça ?

Entre temps, l'Empereur, fatigué de crier sur l'italien, les rejoignit pour écouter leur discuzionni... euh, leur discussion.

- Bah, le temps d'aller voir tout le monde, les convaincre de venir, se taper toutes les saloperies qu'ils ont inventé pour nous emmerder, tout ça... Ça va prendre du temps, pas vrai ?
- Oui, en effet...
- Donc pendant ce temps, inutile de se traîner tous les boulets de Lacébé, pas vrai ?
- Il a raison ! intervint l'Empereur. On n'a qu'à rester tous les six... enfin, tous les trois vu qu'on est séparés pour le moment, et on appellera les autres au moment de la confrontation finale !
- Les appeler, je veux bien, mais comment ? demanda Darkars.
- T'en fais pas cous', j'ai ma petite idée là-dessus...
- Vittoria ! Mi Gemma ! cria Sylverthorn au loin.

L'italien revenait vers le groupe tout content, une gemme transparente à la main.

- Tiens, sa gemme n'a pas de couleur ? s'interrogea Fabien. C'est parce qu'il n'a pas de Domaine ?
- Bien vu, jeune homme ! s'exclama Darkars. Tu es plus malin que tu en as l'air !
- Je sais pas si être flatté ou vexé...
- Sa gemme se colorera progressivement, avec son expérience de création ! Et ses peintures hideuses ne comptent pas comme des créations... Du coup, comme tous les Dieux de bas niveau, il n'a qu'une gemme générique !
- Et les génériques, c'est pas automatique... intervint Balthy.
- Euh, déjà c'est pas ça le slogan, et puis, pourquoi vous nous sortez ça ? demanda Fabien.
- Bha, j'sais pas, un moment de folie...
- Voilà, j'ai mi Gemma di creazione ! Alors, vamos ? demanda Sylver.
- En fait, j'ai changé d'avis ! dit Balthy en reprenant sa voix d'Empereur. Tu vas rester ici et attendre mon signal !
- Ton signalo ? Ma qué es lo signalo ?
- Scrute le ciel au-dessus du Palais tous les soirs à 7h42 ! Tu sauras quand je t'appelerai !
- Bueno... Je vais vous attendre ici et reconstruire mi casa !
- Et respecte les règles cette fois...
- Naturalmente, imperatore !

Le groupe quitta Ada City, pour finalement quitter totalement la zone minecraftienne. Fabien voyait la résolution du paysage s'améliorer au fur et à mesure qu'ils avançaient.

Vers où avançaient-ils, d'ailleurs ?

XIII. Le Désert de l'Oubli


Balthy, Darkars et Fabien s’arrêtèrent après une heure de marche. Ils avaient quitté la forêt qui entourait la zone minecraftienne, et la ville était maintenant loin derrière eux. Ils se trouvaient dans une sorte de désert parsemé de ruines. Le pampa les mena à une de ces ruines, une sorte de café dont la structure n’était pas trop abîmée. La baie vitrée n’était plus qu’un grand trou dans le mur ; sur la façade se trouvait une enseigne lumineuse où on lisait « Jean’s Club ».
Les deux Dieux semblaient émus.

***

De l’autre côté de la ville, devant le Grand Mur, un homme-dragon se faisait réprimander par deux jeunes demoiselles passablement énervées. L’une d’elles lui donnait des coups de sac à main.

- Méchant Dragonnoir ! Méchant ! T’as laissé tomber mes copains ! se plaignait Vicky, tout en le frappant.
- Ostie d’calice ! Tu pourrais faire un peu attention à ton boss ! ajouta Kadaj.
- Mais euh ! Je vous avais dit que c’était pas une bonne idée de venir ici sur mon dos ! se défendait Dragonnoir.
- Te cherche pas d’excuses ! Quand le boss va nous rejoindre, il va nous passer un savon !
- Méchant ! Méchant ! continuait Vicky. T’as intérêt à te faire pardonner !
- Hé, mais voilà la solution ! intervint le dragon entre deux coups de sac dans la tête. Si je bosse bien, il m’engueulera peut-être pas !
- Ton châtiment sera moins sévère, c’est tout… lui répondit Kadaj. Et tu comptes faire quoi pour regagner ses faveurs ? Rien de sexuel, j’espère ?
- Non, ça risque pas, il a jamais voulu… En fait je pensais plutôt à rallier à notre cause un maximum de Dieux ! Regarde, on est à l’Ouest du palais…
- Et vu qu’on est partis de la Taverne du Voyageur, ils doivent être quelque part à l’Est ! compléta Vicky, qui avait arrêté de frapper son collègue Dieu. Donc on va voir qui ?
- Eh bien, les domaines les plus proches sont les nôtres, donc autant commencer par là…

***

Les cousins et Fabien étaient installés à une table usée par les années d’abandon. Le soleil se couchait sur le désert brûlant et dardait ses derniers rayons à travers la façade à moitié en ruines du Jean's Club.
Darkars jouait avec un crâne qu’il avait trouvé dehors, Balthy jouait de vieux morceaux sur une guitare en mauvais état qui traînait dans la salle du bar, et Fabien sirotait un Coca que l’Empereur avait eu la bonté d’imaginer pour lui. Le jeune homme n’était pas très rassuré de boire un verre qui venait de se matérialiser sous ses yeux, mais il avait tellement soif que son inquiétude n'avait plus qu'à aller se faire voir. Et en effet, le Coca était tout à fait identique à celui du monde réel.

- Et donc, on peut m’expliquer ce qu’on vient foutre ici ? demanda Fabien entre deux gorgées. Il se dit que, vu qu’il sort cette phrase à chaque épisode, il ferait mieux de l’enregistrer puis de la passer quand il en aurait besoin.
- Je t’explique, jeune ! dit Darkars qui reprenait son ton explicatif pénible. Ici, c’est le Désert de l’Oubli !
- Le revers de la médaille… marmonna Balthy, par réflexe. C’est ici, dans ce désert, que l’on peut retrouver toutes les vieilles créations abandonnées ! Par exemple, le Jean’s Club, qui ressemble maintenant à une espèce de dernier bar avant la fin du monde, à la base c’est moi ! Il était dans Chaos Rock, un truc que j'ai laissé tomber il y a longtemps…
- Et beaucoup espèrent que tu le feras revenir de l’Oubli… Est-ce encore possible, mon cher Balthy ? dit une voix derrière eux.

Dans l’encadrement de la porte du Jean’s Club, se tenait une silhouette encapuchonnée. La femme, car c’était incontestablement une silhouette féminine (avec des arguments à faire valoir), était vêtue d’une robe noire et d’une cape d’un rouge flamboyant. De son visage, on ne voyait rien hormis des lèvres pulpeuses. Une longue chevelure rousse cascadait sur sa poitrine.

- Tiens tiens, te voilà… Toujours la même cape ? dit Balthy à l’inconnue, avec un sourire en coin et un regard plus que suspect.
- Toujours le même rouge, très cher Empereur… "Crimson Red", la plus flamboyante des couleurs… lui répondit-elle de sa voix sensuelle.
- Toujours… Bon les jeunes, vous m'excusez, je dois m'absenter ! On se revoit dans, euh, un certain temps !

L'Empereur laissa littéralement tomber sa guitare, dont le manche cassa en chutant (voilà ce qui arrive quand on n'entretient pas une guitare pendant 40 ans !). Il passa son bras autour de la taille de l'étrangère et quitta le bar pour se diriger vers l'immensité désertique qui s'étendait à perte de vue au-dehors.

Fabien, encore une fois, n'avait rien compris à ce qui venait de se passer sous ses yeux ébahis.

- C'était quoi ça ? Une espèce de sirène du désert ? demanda-t-il à un Darkars qui semblait dépité.
- Oh non, bien pire que ça… Bon, bah dès demain matin, on va reprendre la route et faire ce pourquoi on était venu à la base !
- C’est-à-dire ?
- Aller voir l'Ermite qui vit dans ce désert ! Il devrait pouvoir nous donner des conseils sur Levy !
- OK, si vous le dites… Mais, et l'Empereur ? On l'oublie ?
- T'inquiète, il reviendra… Et il sera sûrement de meilleure humeur !

XIV. Divination sur l'oreiller


Pendant qu'un pampa et son compagnon d'infortune traversaient le désert des Anciennes Ruines en direction des Montagnes de la Solitude, à l'extrême bord du monde connu...

Pendant qu'une fille beaucoup trop joyeuse, une savante folle, un alcoolique pixellisé et un demi-dragon s'apprêtaient à se rendre dans un Domaine Divin si vaste, riche et somptueux que les mots ne peuvent qu'en faire une pâle et infidèle description...

Eh bien, pendant ce temps, le Grand Empereur Balthy, tout haletant et transpirant, était allongé dans un grand lit aux draps de satin, aux côtés d'une magnifique créature aux cheveux de feu tout aussi dévêtue que lui. Comme nos fidèles lecteurs l'auront compris, cette jolie rousse que vous avez déjà aperçue dans l'épisode précédent n'est autre que...

TIMMY ! La Terrible, La Destructrice, L'Encyclopédie, La Rousse ! Timmy, L'Avaleuse de Mondes, de Créations... et d'autres choses que nous ne mentionneront pas ici, par égard pour la sensibilité des plus jeunes. Sur ce dernier point, l'Empereur ne tarda pas à se répandre...

... Verbalement, hein, bande de lecteurs pervers ! Je n'écris pas du -18 !

***

- Décidément, tu n'as pas perdu la main, ma belle... Et si je me base sur le volume sonore, je ne me débrouille pas trop mal non plus... dit l'Empereur d'une voix fatiguée.

La belle rousse, tout en se levant doucement du lit, lui répondit, comme toujours, à sa manière...

- C'est bien vrai, cher Empereur,
Tu es un amant passionné !
Mais cette magnifique ardeur,
On ne la voit que dans IHG...

- Hein ? Mais enfin, qu'est-ce que tu me chantes ?

- C'est parce que tu es l'auteur
Que tu peux enjoliver,
Mais ce que tu ne me laisses pas dire aux lecteurs,
C'est qu'en fait, au lit je te trouve à ch...

Timmy n'eut pas le temps de finir son vers, car elle se prit (comme par hasard !) les pieds dans les draps de satin et se retrouva au sol. Si Timmy avait suivi l'histoire, elle aurait appris qu'il ne fallait pas dire du mal de l'Empereur.

- Je sais ma chérie, je suis divin... répondit l'Empereur, ignorant la remarque acerbe de son amante, et sa chute misérable. Et sinon, je voulais savoir...

Dans toute sa noblesse, Timmy se redressa comme si rien ne s'était passé, conservant un visage impassible. Elle ne voulait pas céder face à son Empereur et amant, et encore moins devant ce maudit auteur qui se plaisait à faire tomber ses personnages. Elle décida de retourner dans le lit et se colla à Balthy.

- Demande et je répondrai, ô Empereur béni,
Cependant, je ne suis pas une Pythie,
Tu as tendance à l'oublier !
Mes visions sont limitées...

- Oui, je sais bien, mais je je pense que tu peux m'aiguiller. C'est par rapport à Levy, j'ai une mauvaise intuition...

- Tes intuitions sont souvent bonnes, Balthy
C'est bien ce qui m'effraie !
Quel est ton problème face à l'ennemi ?
Crains-tu de ne pouvoir l'arrêter ?

- Ouais c'est un peu ça... Je veux dire, la dernière fois, nos pouvoirs de Création combinés avaient suffi, mais cette fois, j'en doute ! Non seulement il ne se fera pas avoir deux fois de la même façon, mais en plus, nous autres les Dieux, on s'est un peu ramolli ! On s'entraîne plus, on ne crée plus des masses non plus... On est devenus une belle bande de branleurs, en fait !

- Parle pour toi, mon amour !
Je suis en forme comme au premier jour !
Et c'est parce que je m'entretiens,
contrairement à toi et tes copains !
J'ai maintes fois insisté
sur l'importance d'un régime équilibré !

- Tu crois que t'es bien placée pour parler de manger ? Je te rappelle que tu te nourris sur notre inactivité, justement... Pourquoi est-ce que tu crois que je crée si peu et que j'abandonne la plupart de mes projets, hein ? C'est pour te maintenir en parfaite santé, ma belle !

- Oh, Balthy, quel geste délicat !
Si tu brides ton activité,
C'est par égard pour mon état !
Je pensais que tu te contentais de glander...

- Eh ben, merci pour la gratitude, me traiter de branleur... Bref, toujours est-il que je suis inquiet par rapport à nos chances de victoire ! Alors, voilà ma question pour la divination : l'Union Divine suffira-t-elle pour vaincre l'Ennemi, ou aurons-nous besoin de ressources supplémentaires ?

Sur ces mots, Timmy se leva et ouvrit le tiroir de la table de nuit, pour en sortir de minuscules bougies. Elle en prit sept, qu'elle disposa en cercle sur le sol de la chambre. D'un souffle de feu, la rousse enflamma les sept mèches, et chaque bougie commença à se consumer en produisant une fumée d'une couleur différente. Elle prononça d'étranges incantations tandis que les fumées de couleur l'enveloppaient et la dérobaient à la vue de l'Empereur, tel un épais brouillard dans les landes écossaises, mais en plus disco.

Après quelques minutes, la fumée arc-en-ciel se dissipa et Timmy rejoignit son amant sur le lit.

- Les esprits m'ont parlé,
ils confirment tes doutes...
Si la victoire tu veux t'assurer,
d'anciens artefacts tu devras récupérer...

- Oh non, j'en ai déjà plein le dos d'aller courir après les Dieux et leurs gemmes, si en plus je dois aller chercher des antiquités pourries, je sens que ça va vite me gonfler !

- Malheureusement, mon amour, tu n'as pas d'autre choix
Si tu veux bannir le Démon une nouvelle fois !
Quand à ces artefacts, voici des précisions:
Le premier, une épée du temps des Rois Instables
Détruira les Remparts maudits, impénétrables
Qui protègent Levy de votre Imagination !

- Levy s'est installé dans les... Remparts Maudits ? C'est marrant, je savais même pas qu'il y avait des Remparts Maudits sur Lacébé...

- C'est lui qui les a créés, crétin congénital !
Ça lui fait une base digne d'un Seigneur du Mal...
Cesse donc de m'interrompre, espèce de petit con !
Je vais oublier le contenu des visions !

- Désolé chérie... Et ensuite, le deuxième artefact, c'est quoi ?

- L'autre objet qu'il te faut dans ce conflit sacré
N'est rien d'autre qu'une magnifique coupe enchantée !
Grâce à ses propriétés régénératives,
Vos pouvoirs retrouveront leur intensité !

- Génial ! Un Graal pour les Dieux qui va nous rendre nos pouvoirs comme ils étaient à l'époque! Quand les autres verront ça... Hé, du coup, j'y pense : ils sont où, ces artefacts ?

- Je te rappelle que mes visions sont limitées !
Les esprits me parlent, mais ils ne me disent pas tout,
Les infos étaient assez partielles, sur ce coup...
Ils m'ont dit quoi chercher, mais ne m'ont pas dit où...

- Ah ben bien ! Merci les esprits ! Vachement utile ! Et je fais quoi, avec ça ?

- Va voir un autre oracle, si tu n'es pas content !
Je consulte les esprits rien que pour toi, mon grand,
Et c'est de cette façon que tu me remercies !
Tu m'as traité d'ingrate ? T'es mal placé, Balthy !

- Mais, Timmy, je ne te critique pas, c'est gentil d'avoir essayé, c'est pas ta faute...

- Assez de ces excuses insensées ! Sors d'ici !
Je me démène pour toi, et jamais un merci !
Tant d'efforts, et pas la moindre reconnaissance
Sors d'ici, ou je t'éjecte à grands coups de lance !

- Mais... Chérie ! Le prends pas mal ! Je t'aime, tu sais...

- Va, je ne te hais point, mais rappelle-toi ces mots :
Si tu veux continuer ce qu'on faisait au lit
Non seulement tu devras t'excuser comme il faut,
Mais surtout, ne reviens qu'à la mort de Levy !

Sur ces mots, Timmy poussa l'Empereur hors de la chambre et verrouilla la porte.

Balthy quitta la demeure de Timmy, avec la ferme intention de se renseigner auprès de l'Ermite pour savoir où était ces artefacts. L'Empereur de Lacébé était plus déterminé que jamais : il était désormais extrêmement urgent d'en finir avec le Dieu Maudit.

XV. Là-haut, dans la Montagne


Darkars et Fabien étaient épuisés. Ce voyage sans fin dans les contrées désertiques, au bord du monde connu, les avaient privés de toute leur motivation. Ils n'avaient qu'une envie : s'allonger là et mourir. Mais la vue du Pic de la Solitude, leur destination, leur insufflait assez de bravoure pour continuer leur épopée et franchir leurs propres limites. Ils ne mourraient pas ici. Ils devaient être forts, montrer que l'immense désert sur lequel Timmy régnait en maîtresse incontestée n'avait pas le pouvoir de les faire céder.

Ainsi, après quinze petites minutes de marche dans le désert, ces deux fainéants qu'étaient Darkars et Fabien étaient déjà totalement crevés. Ca leur apprendra à ne pas s'entretenir, tiens. Et puis pour un pampa, ne pas tenir le choc dans un désert, franchement, c'est la loose.
Ils se trouvaient donc maintenant au pied des Montagnes de la Solitude, que le pampa présenta à son compagnon de voyage comme l'extrême limite de Lacébé. Au-delà de ces pics infranchissables, nul ne savait ce qu'il pouvait bien y avoir… Si seulement il y avait quelque chose.

- Mais on s'en tape de tout ça ! enchaîna Darkars. On va pas traîner ici, on va juste grimper les trente-cinq mille marches autour du Pic de la Solitude – là, regarde, la plus grande des montagnes, oui, celle avec les nuages autour – pour voir l'Ermite, on lui pose nos questions et on se casse !
- Et… Elles consistent en quoi exactement ces questions ? demanda Fabien, perplexe.
- Bah, j'en sais rien ! On va lui demander si il a quelques idées pour nous aider à arrêter Levy, et puis…

Darkars n'eut pas le temps de finir sa phrase, car un bruit de galop assourdissant, en provenance du désert, l'interrompit. Ce bruit ne venait pas tant de Balthy, qui arrivait à toute vitesse vers Darkars et Fabien, à dos de chameau. Non, le bruit était pour l'essentiel dû à la petite trentaine de molosses de combat qui lui couraient après, hurlant et bavant. Fabien, qui assistait pour la première fois à ce genre de scène, eut la présence d'esprit de se cacher derrière un rocher. Darkars, en revanche, ne bougeait pas et regardait la scène en riant.

Balthy, lui, ne riait pas. Arrivé à hauteur des deux autres, là ou le sable du désert laissait progressivement place aux terres sèches et rocailleuses qui bordaient les montagnes, il freina brusquement son chameau et en descendit d'un saut. Se retournant vers les molosses, il se plaça en ce qui, aux yeux de Fabien, semblait être une position de combat. Le mortel se demanda si l'Empereur des Dieux était aussi timbré que ses sujets pour tenter d'affronter trente chiens enragés à mains nues.

Mais Fabien, ce petit branleur de mortel qui ne connaissait strictement rien aux pouvoirs de la Création, sous estimait l'Empereur. Ce dernier commençait un étrange rituel, traçant des formes occultes dans le sable et prononçant des formules étranges d'une voix caverneuse. A mesure que l'incantation se faisait plus étrange encore, le ciel s'assombrissait et les chiens se rapprochaient dangereusement. Darkars, appuyé contre un arbuste mort, sirotait un jus d'orange fraîchement imaginé.

Puis, là où Balthy avait tracé ses étrange symboles, la terre remua. Des bras squelettiques en surgirent, des cris d'outre tombe retentirent… Et bien vite, trente squelettes se tenaient fièrement devant l'Empereur qui venait de les invoquer. Ce dernier prononça un ordre incompréhensible dans la langue de l'incantation, et les squelettes se placèrent en ligne, faisant front face aux chiens. Balthy prononça un mot, et chaque squelette arracha le bras du squelette voisin, puis le lança avec une force prodigieuse au loin, dans le désert. Les chiens firent aussitôt demi-tour et suivirent les os lancés, en remuant joyeusement la queue.

- Allez, va chercher ! lança Balthy avec une pointe d'amusement.
- Vous vous démerdez bien en combat, c'est la classe ! dit joyeusement Fabien qui venait de sortir de sa cachette.
- Héhé, merci… En tout cas, ça lui montre que je suis pas si ramolli que ça, à l'autre connasse ! répondit l'Empereur, plus énervé que jamais.
- Mouais, pas mal Cous', mais bon, c'est beaucoup de bruit et de spectacle pour pas grand-chose… répondit dédaigneusement Darkars.
- Désolé Cous', mais j'ai un peu de raffinement en combat, moi ! Je suis pas le dernier des bourrins, contrairement à d'autres !
- C'est ça, c'est ça… En attendant, Cous', Timmy t'a lâché les chiens ! J'imagine que tu ne l'as pas satisfaite ? répliqua sarcastiquement le pampa.
- Boucle là ! C'est pas tes affaires ! Et je te signale que si je suis allé voir Timmy, c'est pour avoir des informations !
- Mais ouais… Alors déjà, c'est pas toi qui est allée la voir, c'est elle qui est venue te chercher, et tu l'as suivie simplement parce que tu réfléchis avec ton entrejambe à chaque fois qu'elle est là !
- ON S'EN TAPE ! hurla l'Empereur. L'important est que j'ai des infos ! On aura besoin d'objets en plus si on veut battre Levy !
- Oh non ! J'aime pas aller chercher des pièces de musée dans des vieilles ruines pourries…
- Moi non plus, mais on n'a pas le choix ! Je vous explique…

Et il leur expliqua… Et si vous voulez qu'on vous explique aussi, lisez le chap d'avant ! L'ellipse elle est justement là pour que je m'emmerde pas à tout réécrire pour des lecteurs fainéants…


- Donc, il nous faut une épée pour abattre les murailles du camp de Levy, et une coupe pour vous remettre en forme ? résuma Fabien.
- Et l'autre rouquine inutile n'a pas été foutue de te dire où on doit chercher ? compléta Darkars.
- Eh oui… C'est pour ça que je suis venu vous rejoindre au Pic de la Solitude ! Je vais interroger notre bon vieil Ermite pour qu'il nous révèle l'emplacement des objets ! expliqua l'Empereur.
- J'espère qu'il parle pas par énigmes, votre vieux ? s'inquiéta Fabien, qui avait eu l'expérience de vieux machins marmonnant des trucs incompréhensibles, que ce soit sur la Force, la Voix ou bien d'autres choses.
- Bah, c'est assez rare… Des fois il le fait, pour se donner un genre, expliqua Darkars.
- Mais de manière générale, il préfère les effets narratifs épiques ! Il a un arrangement avec les auteurs… compléta Balthy. Enfin bref ! On ferait mieux de se reposer, on a une longue ascension qui nous attend !

Trente cinq mille marches, quelques vertiges, une ou deux engueulades entre cousins et une glissade bien flippante dans les escaliers plus tard… Le groupe se tenait devant une caverne creusée dans le pic de la montagne, ce qui donnait à la grotte une apparence de tipi rocheux recouvert par les neiges éternelles. Oui, c'est bizarre, mais tous les ermites sont bizarres. Habituez-vous.

- Nous y voilà ! s'exclama avec joie Balthy ! Le refuge du Pic de la Solitude !
- J'le crois pas ! s'énerva Fabien. On s'est cassés le cul à grimper cet escalier de merde, j'ai failli mourir en glissant sur une plaque de verglas, tout ça pour aller voir un vieux croulant dans une mini-grotte de merde ? J'espère que ses prédictions sont bonnes, parce que là…
- Arrête de rager, c'est que le début ! rétorqua Darkars. Le plus dur reste à venir, il va falloir aller chercher l'épée et le calice, et ça va sûrement pas être de la tarte…
- Bon, on peut arrêter de s'engueuler et entrer ? tempêta l'Empereur. Je vous rappelle qu'on a un méchant à buter, et on irait plus vite si on passait pas la moitié des épisodes à se gueuler dessus pour des conneries !

Convaincus par cet argument, Darkars et Fabien se calmèrent et suivirent Balthy dans la grotte. Cette grotte, en plus d'être froide et humide (je vous rappelle qu'on est au sommet d'une montagne, et c'est pas évident d'isoler dans ces foutues cavernes), était terriblement sombre, seulement éclairées par quelques bougies. Au fond de la caverne, on distinguait une silhouette voûtée. L'Ermite.

Entrez donc, Dieux voyageurs... Votre visite était attendue...

- Tu vois, l'effet narratif épique ! Comme je te disais ! glissa discrètement Balthy à l'adresse de Fabien, tandis que le groupe s'avançait vers l'Ermite.

Salutations, ô Empereur de ces Terres, ainsi qu'à vous deux, derrière... Darkars, héros des temps anciens, et Fabien, héros en devenir...

- Salut, Darmania ! répondit Balthy.
- Comment ça, "des temps anciens" ? J'suis toujours un héros, vieille raclure pestiférée ! râla Darkars
- "Héros en devenir" ? Non mais, c'est gentil, mais je préfèrerais me barrer d'ici... soupira Fabien.

Approche, jeune mortel ! Laisse moi te voir de plus près... Je veux te voir...

- Sans déconner, vous êtes tous super flippants dans ce pays... dit Fabien en s'approchant à contre-cœur, quelque peu effrayé pour son fondement.

Hum... Oui... Magnifique...

- Arrête tes conneries Darmania ! Coupe ton effet narratif à la con, parle nous normalement... Et fous la paix au gamin ! On est là pour te poser des questions, pas pour te laisser examiner un mortel sous toutes les coutures !

OK, OK... Deux minutes, j'attrape ma télécommande à effets narratifs... L'auteur me l'a laissée pour que je me démerde tout seul avec les effets...

Darmania farfouilla dans un coffre à côté de lui et sortit un drôle de boîtier avec plein de boutons et de diodes colorées qui font trop super joli. Il appuya sur un bouton jaune...

Et là, c'est mieux ?

- Je crois que tu t'es planté de bouton, on entend rien de ce que tu dis ! dit l'Empereur.

Attendez, je réessaye...

Il appuya sur un bouton vert...

Et la c mieu ? OMG c trop compliquay ce truk lol !

- C'EST LE BOUTON KIKOO ! hurlèrent en chœur les deux cousins tout en se bouchant les oreilles.

Desoler !!! C pas fasile de trouvé le bn bouton lol !

Il appuya sur un bouton noir aux sombres reflets pourpres...

Cette modification vocale est-elle à votre convenance ? Je suis bien forcé d'admettre que l'excessive complexité de cette machinerie narrative constitue une entrave à la tenue de cette conversation, aussi informelle soit-elle...

- C'est le bouton noble ! expliqua Balthy. C'est assez classe, mais je crois que ça va être lourd à la longue...

***

Pendant que l'Empereur et ses compagnons galèrent pour régler la voix de Darmania...
Drag', Kadaj, Vicky et Ephra commencent (enfin !) leur tournée des Domaines !

- Alors, maintenant que l'auteur se décide à nous faire faire quelque chose, on commence par où ? demanda Kadaj, qui risque fort de se casser la gueule une nouvelle fois si elle continue à critiquer.

Dragonnoir, impatient de se la péter avec son domaine gigantesque, fut le premier à réagir.

- Eh bien, je me disais que...
- ON VA CHEZ MOI ON VA CHEZ MOI SIOUPLAIIIIIIIIT ? l'interrompit Vicky qui faisait ses yeux de Chat Potté pour les attendrir. Et le pire, c'est que ça marche.
- Bon allez, d'accord, on va chez toi... soupira Drag'.
- Y'a de l'alcool ? Hips ! intervint Ephrallion dans un élan de lucidité suffisant pour lui permettre de communiquer.
- Ah bah non, y'a que du jus d'orange chez moi... répondit Vicky d'un air d'autoroute.
- Oh c'est nul ! Je veux pas y aller ! protesta Ephrallion.
- Continue à râler et j'te verse de l'eau sur le crâne ! lui rétorqua Kadaj.
- Argh ! De l'eau ! Mon point faible ! Nooooon ! Ok je viens... soupira Ephra.

C'est ainsi que le groupe se dirigea vers le Domaine de Vicky...

XVI. La Demeure du Noir et du Blanc


Balthy, Darkars et Fabien étaient, de leur côté toujours aux prises avec les effets vocaux de Darmania. Le vieil ermite leur parlait désormais en ces termes :

- Vazy cette télécommande elle est trop relou uech ! J'vais le défoncer ce boîtier, sa mère !
- Non Darmania, le mode wesh, on va pas supporter, change moi ça ! ordonna Balthy.

L'ermite appuya sur un bouton gris, et sa voix revint enfin à la normale, à la grande satisfaction des trois visiteurs.

- Pardonnez-moi pour ces petits problèmes techniques, mes amis…
- Hé, je suis pas ton ami ! s'écrièrent en chœur Darkars et Fabien.
- Fermez là, vous deux ! s'énerva l'Empereur. On n'est pas là pour discuter des affinités des uns et des autres… Darmania, nous avons des questions à te poser concernant l'Ennemi ! C'est une affaire de la plus haute importance ! dit-il de son ton le plus solennel.
- Ma prescience est à ton service, ô Empereur de ces lieux… Demande et je répondrai !
- Très bien… je tiens de source sûre que nous allons avoir besoin de deux antiques reliques pour poursuivre notre quête épique ! Le premier est une coupe aux reflets irisés, qui pourrait, paraît-il, nous revitaliser ! Le second, une épée des temps immémoriaux, pourrait briser les murs de Levy en morceaux !
- Cous', tu passes vraiment trop de temps chez Timmy, intervint Darkars. Tu commences à parler comme elle !

Darmania était manifestement troublé en entendant le nom de Timmy, et il le fit savoir :

- Timmy… La diabolique Dévoreuse d'Idées… Le Fléau des Mondes… Est-là ta source sûre, Balthy ? Une sorcière débauchée complotant dans l'ombre des dunes ?
- Je vois pas le problème, Timmy est notre alliée ! répliqua l'Empereur, irrité.
- Non, Balthy, Timmy ne sera JAMAIS ton alliée ! hurla l'ermite. Elle ne sera jamais l'alliée de PERSONNE ! C'est une sorcière perfide, une manipulatrice ! Rouquine sans âme ! MONSTRE IMMONDE ! ANIMAL DEGENERE ! SALOOOOOOOPE !

Fabien était surpris et choqué de l'accès de colère de Darmania. Les deux Dieux ne manifestaient aucun étonnement, car ils savaient que Darmania et Timmy se détestaient depuis longtemps. L'ermite n'avait jamais fait confiance à la Dame du Désert, malgré le fait qu'elle ait toujours pris le parti des Dieux de Lacébé.

Pendant que Darmania hyperventile et bave partout sur le sol de sa caverne, retournons voir le reste du groupe, qui se trouvait alors devant un grand bâtiment de style moderne, avec de grandes baies vitrées.

***

- Et voilà ! C'est chez moi ! annonça Vicky, toute fière de son Domaine.
- Ouais, on connaît, on passe devant tous les jours… rappela Dragonnoir.
- C'est vrai, mais maintenant que j'y pense, je ne me rappelle pas être déjà rentrée à l'intérieur ! remarqua Kadaj.
- Je vous ai invité plein de fois, mais vous avez jamais répondu à mes invitations... répondit Vicky, l'air triste.
- Herm… Bref, entrons !

Vicky poussa la double porte d'entrée et les trois autres la suivirent. Ils découvrirent ainsi un gigantesque magasin de vêtements. D'immenses allées de robes, jupes, petits hauts aux couleurs chatoyantes s'étendaient à perte de vue, de part et d'autre de la grande allée centrale. Sous les yeux ébahis des trois Dieux se trouvait tout simplement un univers infini de mode, un magasin idéal au stock qui semblait illimité, un endroit où l'on n'aurait pas assez d'une vie pour tout essayer, cauchemar des hommes et rêve le plus fou de la gent féminine.

Dragonnoir eut la nausée face à tant de féminité concentrée en un seul lieu. Ephrallion vomit carrément, mais cela était dû à une bouteille de whisky de trop. Kadaj se foutait pas mal de toutes ces fringues, car elle portait toujours la même blouse blanche. En vérité, elle aussi avait déjà hâte de quitter ce Domaine.

- C'est gigantesque, souligna la scientifique, au cas où ses collègues ne l'auraient pas remarqué. J'espère que tu sais où tu as rangé ta Gemme, parce que si on doit chercher là dedans, on a pas fini…
- Bah en fait, je dois avouer que je suis plus vraiment sûre de l'endroit où je l'ai mise…
- Ah bah bravo ! C'est scandaleux ! C'est une honte ! s'insurgea Drag'.
- Vous inquiétez pas, on aura vite fait de chercher ! Je suis sûre qu'elle n'est pas dans le magasin, elle est soit à l'étage, soit au sous-sol…
- Y'a quoi à l'étage ? Une tour d'observation astronomique ? demanda Kadaj.
- Un perchoir à dragon, peut-être ? compléta Dragonnoir.
- Y'a quoi au sous-sol ? préféra demander Ephrallion. J'espère que c'est une cave à vin !
- Vous verrez bien ! se contenta de répondre la Gardienne de Lacébé.

Vicky les entraîna le long de l'allée centrale, en direction de l'ascenseur. Les Dieux découvrirent, au fur et à mesure de leur avancée, qu'entre les innombrables rangées de vêtements, se trouvaient de petits salons aménagés, avec des canapés rouges. On y voyait des clients en pleine discussion animée avec des vendeuses. Vicky leur expliqua que chaque vendeuse était assignée à un client dès l'entrée de ce dernier. Les vendeuses, qui avaient également une formation de styliste, étaient alors chargées de guider le client ou la cliente dans ses achats afin de trouver ce qui lui correspondait le mieux. La maison mettait un point d'honneur à ce que ses clients repartent pleinement satisfaits, expliqua Vicky. Mais malheureusement, ses trois compagnons s'en foutaient pas mal.

Dragonnoir avait l'esprit ailleurs, ou plutôt les yeux : il observait une des vendeuses, une petite brune aux traits félins. Cette dernière s'en rendit compte et lui fit un petit clin d'œil et un sourire charmeur. Après cela, Dragonnoir était tellement perturbé qu'il rata l'ascenseur et se prit le mur. Heureusement, il avait l'habitude.

Le groupe prit donc place dans l'ascenseur. Vicky appuya sur le bouton "1" et ils montèrent à l'étage.

***

- C'est bon, t'es calmé ? demanda Balthy à Darmania. On aimerait bien que arrêtes de rager sur ma Timmy et que tu nous dises où trouver cette épée et ce calice !
- Je répugne à te faire suivre une voie tracée par les visions d'un monstre démoniaque, Empereur, mais j'obéis à ton ordre…

Darmania s'assit en tailleur sur le sol en marmonnant un chant étrange. Fabien comprit que l'ermite entrait en transe afin de recevoir la sagesse des Anciens, ou une connerie comme ça. Bien vite, Darmania ouvrit à nouveau les yeux et s'adressa aux groupes en ces termes.

- L'épée que vous recherchez se trouve dans un lieu autrefois central et aujourd'hui oublié… La fin commencera ainsi par un retour aux origines, là où la Mort a autrefois retrouvé la vie…
- Et merde, il commence à parler en énigmes ! tempêta Darkars. Hé, vieux croulant, arrête tes conneries de vieux sage et parle clairement !
- Bon, tant pis pour les tournures classe… L'épée se trouve quelque part dans le Domaine de Dragonnoir, ce lieu qu'il a choisi comme foyer et que vous appeliez autrefois l'Arène…
- Oh bordel, l'Arène ! C'est que ça fait super longtemps qu'on n'y a pas mis les pieds ! s'exclama le Dieu pampa.
- Quelqu'un peut m'expliquer ce que c'est que cet endroit ? demanda Fabien, comme à son habitude.
- C'est un monde gigantesque, expliqua Balthy. Il y a des cavernes de glaces, un volcan, un grand désert… et plein de monstres qui se foutent sur la gueule ! On s'est bien amusé là bas, mais c'était il y a longtemps.
- L'épée, donc, se trouve quelque part dans l'Arène, reprit Darmania. Pour être exact, elle se trouve dans le Domaine des Morts, chez Zaléra !
- Et meeeeeerde… soupira Darkars.

Balthy anticipa la demande de Fabien, qui n'avait de toute évidence pas compris pourquoi le pampa soupirait.

- Zaléra, comme le reste des monstres de l'Arène, ne nous apprécie plus trop depuis qu'on les a laissés tomber. Si Drag' n'avait pas repris l'Arène pour en faire son Domaine, ils auraient finis bouffés par Timmy ! Donc, tu peux comprendre qu'on n'ait pas très envie de retourner le voir, d'autant plus que c'est juste pour leur piquer une épée…
- Je comprends, répondit Fabien. Et le calice, alors, il est où ?
- Pour ce qui est du Calice d'énergie, la réponse risque de ne pas te plaire, Empereur… répondit Darmania.
- Je m'en fous que ça me plaise ou pas ! On en a besoin et on ira le chercher, un point c'est tout !
- Très bien, Empereur… Le calice se trouve… Chez Crimson.

Balthy hurla de rage; Darkars hurla de rire.

***

- Si ça ne vous dérange pas, enlevez vos chaussures et laissez-les à l'entrée, s'il vous plaît !

Vicky n'avait clairement pas envie que ses amis viennent pourrir le sol de son appartement. En fait d'appartement, il s'agissait plutôt d'un gigantesque loft très lumineux, aux murs peints en blanc et en bleu clair. En son centre se trouvait une piscine intérieure (rien que ça), et un peu plus loin, un petit salon avec des fauteuils Louis XVI, une très belle table basse et une grande bibliothèque en bois exotique. Tandis que Vicky filait dans sa chambre pour y chercher sa gemme, et que Drag' s'amusait à pousser Ephrallion dans la piscine, Kadaj s'installa dans le salon. En parcourant la bibliothèque pour y trouver un livre à lire en attendant que Vicky revienne, elle tomba, à sa grande surprise, sur de nombreux ouvrages de philosophie, ainsi que sur de nombreux auteurs classiques. Sur les étagères se côtoyaient ainsi Chaucer, Voltaire, Nietzsche, Byron ou encore Kerouac, là où Kadaj s'était plutôt attendue à trouver Martine à la plage.
La scientifique opta finalement pour le Discours de la méthode de Descartes et s'installa dans le fauteuil qui lui semblait le plus confortable. Sa lecture fut quelque peu troublée par les cris de panique du Dieu alcoolique qui manquait de se noyer dans la piscine, mais elle se plongea finalement dans sa lecture, jusqu'à ce que Vicky resurgisse.

- Désolé les amis, mais je ne trouve pas ma gemme ici ! Elle doit être au sous-sol, allons-y !

Le groupe reprit place dans l'ascenseur, non sans avoir séché et rassuré Ephrallion au préalable. Vicky appuya sur le bouton "-1". La lumière de l'ascenseur passa du blanc au rouge, et le groupe fut entraîné vers le bas.

***

- Je le crois pas ! De tous les endroits pourris de l'univers, il faut que le Calice se trouve chez Crimson ! J'hallucine !
- Calme-toi Cous', c'est pas si grave ! T'as qu'à débarquer avec un bouquet de roses et lui raconter des trucs romantiques, et ça se passera nickel ! Même si on sait tous qu'elle te collera le bouquet où je pense ! Haha !

Balthy se retint à grand peine de kicker son cousin. Il fit l'effort de contenir sa colère et demanda à Darmania plus de précisions.

- Le Calice se trouve dans une grotte cachée, sous le Palais de Crimson. Je suppose, Balthy, que tu connais la route vers le Palais ?
- Oui oui, j'y suis allé plusieurs fois. Mais je comptais pas y retourner de sitôt !
- Je sais bien Cous', mais en tout cas moi je vais bien me marrer en te voyant demander de l'aide à ton ex ! intervint Darkars, rieur. Bon, eh bien merci Darmania, si tu en as fini, on va y aller hein…
- Non Darkars, il y a une dernière chose que je dois vous dire, et ce n'est pas une vision, seulement un pressentiment que j'ai… J'ai bien peur que malgré le Calice et l'Epée, vous, les Dieux de Lacébé, ne soyez pas assez puissants pour vaincre Levy et sa horde maléfique !
- Oh, sans dec' ? répondit un Darkars interloqué. Mais alors, on va faire comment ? On ne peut pas demander d'aide extérieure !
- Si, et cette aide extérieure se trouve en vérité à vos côtés... Divinisez le mortel, et vous aurez un allié de poids dans votre lutte contre le mal !

Fabien sentit les regards se tourner vers lui, et le destin lui tomber dessus comme une enclume.

***

- Waouh ! Excellent !

Drag' ne cacha pas sa joie en pénétrant dans le sous-sol de Vicky, qui s'avérait être un club de strip-tease. La salle rouge et noire était bondée de clients; on y voyait de nombreuses filles danser sur la scène ou sur les tables. Kadaj remarqua que les filles n'étaient en réalité qu'à moitié humaines, la plupart d'entre elles étant des femmes-chats. Au fond de la salle, certaines d'entre elles disparaissaient derrière un rideau rouge, au bras d'un client. Ici aussi, la maison mettait apparemment un point d'honneur à ce que ses clients repartent pleinement satisfaits.
Dragonnoir avait les yeux rivés sur la scène, où une des femmes chats se déshabillait sur un rythme lascif. La strip-teaseuse se retourna vers le Dieu dragon et lui fit un petit clin d'œil; il reconnut instantanément la vendeuse du magasin.
Le reste du groupe se dirigeait vers le bar, à la grande joie d'Ephrallion. Vicky s'adressa au barman :

- Mon chou, l'alcoolique que tu vois là est mon ami, offre-lui toutes les boissons qu'il te demandera… Dis-moi, tu sais où je peux trouver Suzy ?

Le barman fit un signe de tête vers une femme-chat aux cheveux longs et rouges qui dansait sur une table, sous le regard plein de désir de trois clients. Vicky fit un petit sourire entendu à l'homme et se dirigea vers Suzy. Kadaj, intimidée, préféra rester au bar en compagnie d'Ephrallion et observer la scène de loin. Quelques sourires et regards complices plus tard, Vicky revint vers le bar, avec un bracelet d'argent serti. Elle le montra à Kadaj, qui put ainsi constater que les cristaux sertis dans le bracelet étaient en fait les morceaux de sa Gemme de création. Les pierres luisaient d'un rose vif, auquel s'ajoutaient d'étranges reflets violet foncé, presque noirs.

- Voilà, j'ai récupéré ma Gemme, on peut y aller ! annonça Vicky. Enfin, si Drag' consent à détacher son regard de mes filles…
- T'inquiète, j'ai l'habitude de ces situations, la rassura Kadaj.

La scientifique se retourna vers le barman.

- Dites-moi, Monsieur, vous auriez une poêle à me prêter ?