[Teaser] Coffee Machine Blues

J'y suis.

J'ai l'impression que ce n'est qu'un rêve, que mon cerveau se fout de ma gueule et que dans un instant, le réveil va sonner et annoncer le début d'une nouvelle journée de routine étudiante. J'ai ce sentiment étrange que rien de tout ça ne peut être réel.

Mais j'y suis.

Après des mois de tentatives maladroites, de rendez-vous ratés, de malentendus, de silences gênés, j'ai réussi.
Elle bouge légèrement dans son sommeil, se serrant un peu plus contre moi. Un frisson me parcourt instantanément.

J'attendais ce moment depuis tellement longtemps. Je pensais que je serais immédiatement à l'aise, comme si c'était la millième nuit que nous passions ensemble. Et pourtant, j'ai l'impression d'être un étranger dans mon propre lit.

Sa présence est à la fois agréable et perturbante. A quoi bon dépenser autant d'énergie pour la conquérir ? Je pensais être amoureux à un moment où elle était inaccessible, et maintenant qu'elle est là, je me sens vide. C'est donc ça, ce que ressent celui qui a bossé toute sa vie pour avoir une bonne retraite ? On m'a souvent dit que le voyage était plus important que la destination, mais bon, si on s'emmerde dès qu'on est arrivé, autant rester chez soi.
Ou alors, je suis simplement un connard indécis. Putain, je me hais.
J'ai toujours trouvé pitoyables les mecs qui larguaient leurs copines au bout de quelques semaines, voire quelques jours, alors qu'ils leur avaient couru après pendant des plombes. Et je risque de devenir l'un d'eux...

Ses cheveux longs et bruns glissent délicatement le long de son épaule nue. Elle sourit. Probablement un rêve heureux, plein de délicatesse et d'insouciance comme seuls les rêves savent l'être.

Je croyais être amoureux, pourtant ! J'ai pas arrêté de penser à elle ces deux derniers mois, elle était carrément mon fond d'écran mental, pas moyen de faire autre chose sans l'avoir en tête ! Et maintenant qu'elle est dans mes bras, comme je l'avais rêvé, je ne trouve même pas le moyen d'être un minimum heureux. Ça aurait peut être été plus simple si je ne l'avais jamais revue.

Putain, je hais les coïncidences.

Ecrit depuis plusieurs mois. Je le sors du placard pour avoir quelques retours de votre part !


C'était un jeudi matin. Un jeudi matin pluvieux, comme si le fait de retourner en cours n'était pas suffisamment pénible. En réalité, Florian était autant rebuté qu'excité à l'idée de faire sa première rentrée à la fac. Rebuté, parce que revenir à un rythme scolaire après trois mois de vacances était tout simplement tuant : on perd vite l'habitude de se lever à 6h30. Excité, parce que l'entrée dans le monde nouveau et (apparemment) merveilleux de l'université et de la vie étudiante enchantait le jeune homme. Pour lui, la fac c'était le début de l'indépendance, les cours en amphi et non plus en classe, les sorties du jeudi soir. Sa vie sociale allait prendre un nouveau tournant, elle s'annonçait pleine de concerts et d'apéros. De plus, il avait entendu dire que les facs de langues étaient toujours pleines de filles : pour Florian, célibataire, c'était comme si on lui avait annoncé un gain au Loto, ou si il avait découvert que du chocolat fondu sortait du robinet de sa cuisine.
Le problème, c'est que pour l'instant, il ne connaissait absolument personne. Tous ses amis étaient partis dans de grandes villes pour faire leurs études, ou bien étaient déjà entrés dans la vie active. Il réalisa alors que tous ses rêves de socialisation effrénée étaient bien, pour l'instant, de simples rêves.

Florian ravala son amertume et mit ses écouteurs. Quelques manipulations, et le dernier album des Screaming Females résonnait furieusement dans son canal auditif. La musique était sa grande passion. Fan absolu de garage rock et de punk rock, Florian pratiquait la guitare depuis de nombreuses années et espérait intégrer un groupe, maintenant qu'il était à la fac. Il avait fait partie d'un petit groupe de punk l'an passé, avec quelques amis, mais l'éloignement l'avait forcé à quitter ce qui était devenu en quelque sorte sa seconde famille. Une famille qui, elle, n'était pas dérangée par des improvisations psychédéliques résonnant dans la maison en pleine nuit.